Le bus qui nous mène à Ban Lung fait un immense détour et nous mettons environ six heures pour un trajet qui aurait dû en prendre trois. Cette ville est en dehors de tous les sentiers battus. Pour une fois, elle l’est même trop ! Dans notre Pisey Guest House, personne ne parle un mot d’anglais. Personne non plus au marché ni dans les bureaux de vente de ticket de bus.

Il y en a toujours un de temps en temps, des villes où nous regrettons d’atterir. Pas qu’elle ne soit pas belle ou pas intéressante mais elle ne correspond pas à notre manière de voyager pour ces dix mois. Les seules activités proposées sont la visite des cascades (qui sont encore presque à sec) et des treks dans la nature. A cent vingt euros les deux jours par personne, le trek est totalement inenvisageable. Avec une petite chambre non-climatisée dans laquelle nous étouffons, nous sommes à deux doigts de broyer du noir ! Heureusement, il y a un marché où nous nous faisons un plaisir d’aller nous perdre pour prendre nos repas et je me consacre au montage de la vidéo de Kampong Cham. Le lendemain, nous partons en tuktuk pour le fameux lac Boeung Yeak Laom. Nous sommes un peu ramollis par notre inactivité mais la sortie nous remet d’aplomb. Il s’agit d’un petit lac parfaitement circulaire qui se serait formé dans le cratère d’une très ancienne météorite. Le charme du lieu fait son effet. La végétation luxuriante entoure le lac et en nous éloignant un peu de l’entrée principale nous trouvons un petit ponton pour nous tout seuls, mi-soleil mi-ombre. Nous avons une vue superbe sur l’endroit et des papillons de toutes les couleurs qui viennent virevolter au-dessus de nos têtes. Ils sont jaunes vifs, noirs ébènes, bleus électriques … c’est un enchantement. Pendant que je mets à jour mon petit carnet de bord de voyage, François se baigne. L’eau est délicieuse mais il m’est totalement impossible de sauter dans un lac aux eaux troubles. Chacun sa phobie ! Nous restons plusieurs heures à nous prélasser dans ce lieu paradisiaque et en repartons au bon moment : quand les familles arrivent avec des enfants et le pique-nique.

Avoir le temps de s’ennuyer est un luxe que nous ne prenions pas en France. Nous discutons beaucoup, réfléchissons sur des problématique en refaisant le monde. J'ai aussi pris l'habitude de me joindre à François pour des scéances de sports durant lesquelles je travaille particulièrement les jambes et j'envisage sérieusement de commencer la méditation, grâce aux méditations guidées des "Antisèches du bonheur". Dans ces villes où nous atterrissons en réalisant qu’il n’y a en fait pas grand-chose à y faire, nous pensons parfois aussi au retour. Dans cinq mois, une page blanche nous attend. Nous pouvons écrire ce futur comme nous l’aurons choisi, en cohérence parfaite avec nos rêves, nos valeurs et nos aspirations. C’est une sensation terrifiante mais aussi très agréable.