Diego nous a réservé un super bus pour rejoindre Bandung. C’est la destination préférée des habitants de Jakarta pour y passer le week-end, alors la route est assez chargée. Néanmoins, le trajet passe très vite et nous nous retrouvons à Bandung … sous une pluie battante ! Wahyu, l’ami de François, met plus d’une heure à venir nous chercher tellement la ville est embouteillée. Nous finissons par monter dans une superbe voiture toute neuve, avec Wahyu et un ami à lui : Joshua. Il est surexcité mais aussi effrayé à l’idée de nous loger chez lui … car c’est trop sale pour des occidentaux ! Nous lui expliquons qu’on a vu de tout pendant le voyage et qu’on a peur de rien. Effectivement, ce n’est pas peu de le dire, nous débarquons dans un vrai squat ! La maisonnette est presque faite en taule et en planche, la porte d’entrée ferme à peine et la pluie qui coule à verse ruisselle le long de certains murs. Elle est habitée par une nombre indéfini de jeunes hommes indonésiens qui fument cigarettes sur cigarettes dans cette espace sans fenêtre. Ils sont tous assez timides et n’osent pas trop parler mais Wahyu ne laisse personne se reposer sur ses lauriers et leur explique que nous ne sommes pas anglais et que nous aussi faisons des erreurs.
Nous finissons par partir manger un morceau avec Joshua. Nous atterrissons dans un restaurant étudiant assez branché, super bien décoré, et nous mangeons chacun un très bon plat de nouilles ou de riz. Wahyu paie l’addition et nous explique que c’est comme ça que ça se passe quand on invite quelqu’un chez soi en Indonésie, que nous n’avons pas à être gênés. Nous sommes un peu pris de court, nous acceptons un peu honteux. Joshua finit par sortir de son sac, comme par enchantement, deux t-shirts pour François et moi. Sur l’un est inscrit « Every day is an adventure » et sur l’autre « ADVENTURE ». Ils ont beau être de taille L, nous tombons tout de suite amoureux de ce cadeau si spontané. Il nous explique qu’il en est le designer et qu’il espère que nous en ferons la pub en les portant ! Enchantés, nous suivons nos deux acolytes pour une petite bière en ville. Nous trouvons une bière pression locale et beaucoup moins chère que les autres qui, à notre grande surprise, est délicieuse. Enfin une bière asiatique qui a du gout ! Nous finissons par rentrer, juste un peu joyeux et nous nous endormons dans notre chambre humide et bruyante.

Le matin, Wahyu a une épreuve écrite d’anglais pour son visa australien, alors nous faisons la grâce matinée, prenons une bonne douche et nous baladons seuls dans la ville. Tout le monde nous regarde car nous sommes dans le quartier étudiant de Bandung, pas du tout dans la zone touristique. A la recherche d’un café, nous échouons dans un Starbucks. Pour deux euros, le serveur nous amène un véritable bol de café absolument délicieux. Nous achetons ensuite du crédit pour notre nouvelle carte Sim indonésienne et rentrons à la coloc’. Pas un seul des mecs n’a bougé depuis le matin. Ils sont allongés dans leur lit, à somnoler, regarder Facebook et fumer des cigarettes au clou de girofle. Seul Joshua a pris la route durant la nuit pour rejoindre Jakarta où il devait travailler ce matin.
Au retour de Wahyu, nous faisons plus ample connaissance avec Tovan qui nous accompagne pour le repas de midi. Le restaurant est juste délicieux et nous nous bâfrons pour à peine deux euros chacun. D’ailleurs cette fois, c’est nous qui payons la note ! François a perdu ses lunettes de soleil il y a quelques jours. Ce n’est pas faute d’avoir essayé avant, mais ça a quand même pris huit mois pour les perdre définitivement ! Nous imaginons aller dans un magasin pour en racheter mais Wahyu nous arrête devant une sorte de boui-boui pour lunette. François essaie pleins de paires jusqu’à trouver des lunettes bien couvrantes aux verres polarisé pour ses petits yeux fragiles. Nous repartons, pour douze euros, avec une super paire pour François ET pour moi, une petite paire ronde à la John Lennon. Nous rentrons ensuite dans ce que nous surnommerons désormais la « Tiny House of madness » et glandons pour le reste de la journée. Nous n’avons pas beaucoup de photo, ni de site exotique à vous faire partager mais nous vivons une expérience incroyable d’immersion dans la jeunesse indonésienne.
Nous repartons en début de soirée pour manger un bout avant que Wahyu nous emmène dans son bar préféré. Nous dévorons un riz à la noix de coco avec des morceaux de tempe fris puis en avant pour le « Half-Way ». Nous sommes quatre : Wahyu, Tovan, François et moi, alors nous commandons une tour de bière ! Nous parlons, rions, refaisons le monde … tout en anglais. Nous voyons défiler quelques amis de la coloc’ et commandons une seconde tour de bière. C’est une chance hors du commun que nous avons d’être là, dans un bar à étudiants sans aucun touriste. Nous sommes des « Bulé » ici, ce qui signifie « Blanc » en indonésien. Nous buvons lentement, en profitant de ce moment unique et très (trop) court en leur compagnie. Sept bières chacun plus tard, il est temps de rentrer et de boire beaucoup, beaucoup d’eau avant de dormir ! Au réveil, nous sommes presque frais !

Nous avons sept heures de sommeil à notre actif, ce qui est raisonnable. Pendant que les deux garçons se préparent, nous allons chercher un café au Starbucks avec François puis nous nous retrouvons pour faire le tour du marché. Dans cet endroit, toujours dans le quartier étudiant, François achète un sachet du tempe fris (une agglutination de graines de soja fermentée). Lorsqu’il paie, Wahyu entend un indonésien s’exclamer « Les blancs mangent du tempe ? Je croyais qu’ils ne mangeaient que des hamburgers ! ». Et c’est le fou rire général ! La petite phrase « Bule kok makan tempe » (=les blancs peuvent manger du tempe) restera dans les archives. Nous prenons ensuite la route pour le centre-ville de Bandung, mais je dois avouer que cette zone à touristes n’a aucun charme pour nous. Nous nous baladons un peu, buvons un thé en regardant passer les gens. Nous avons demandé à Wahyu de faire exactement ce qu’il aurait fait de son week-end si nous n’avons pas été là.
Nous reprenons donc la voiture et montons dans les hauteurs autour de Bandung. Pour le repas de midi, il nous dégotte une vraie merveille. Nous sommes sur des terrasses sur pilotis, à flanc de colline, avec vue sur la vallée et la ville. François et moi, nous sommes dévisagés et nous sentons chez Wahyu et Tovan, une certaine fierté de se balader avec des blancs. A première vue, le restaurant nous inquiète un peu par l’hygiène. Nous remplissons timidement nos assiettes jusqu’à ce que nous comprenions que tout ce que nous choisissons va repasser à la friteuse ! Je me sers copieusement de tofu, tempe, boulette de pomme de terre. J’avais décidé de me rapprocher d’un végétarisme souple à mon retour en France mais la cuisine Indonésienne m’offre la possibilité de commencer dès à présent. François ne se prive pas de poulet, qui est d’ailleurs très savoureux dans ce restaurant. Ici encore, nous restons plusieurs heures, parlant, regardant le paysage et nous reposant dans un silence agréable.
Wahyu nous propose d’aller voir un lac volcanique ! Nous remontons dans la voiture et filons dans les montagnes. A l’arrivée, c’est la douche froide. L’entrée pour les locaux est à deux euros, pour nous c’est vingt euros… Wahyu est scandalisé, il nous annonce qu’il compte bien écrire une lettre au gouverneur. Pour nous tous, c’est tout simplement demi-tour : vingt euros chacun pour un point de vue bétonné, ce n’est pas envisageable. C’est vers les champs de thés que nous repartons, pour admirer le paysage et prendre quelques photos. Nous choisissons un endroit sympathique, nous nous garons et partons marcher parmi les buissons. Malheureusement, le temps très instable ne nous laisse que dix minutes avant qu’une pluie diluvienne ne s’abatte sur nous. Nous regagnons une petite gargote et nous installons à la terrasse avec un thé ! Il nous faudra ensuite presque deux heures pour parcourir les dix kilomètres qui nous séparent de la ville. Bandung n’est vraiment pas connue pour la fluidité de sa circulation, en particulier le week-end. Le reste de la soirée se fera à la coloc’ avec du bon riz fris livré à domicile et des discussions jusqu’à minuit. Nous faisons écouté des vieilles chansons françaises à Wahyu et Tovan, qui ont un coup de coeur pour Les Champs Élysées de Joe Dassin. L'un deux l'apprend à la guitare, ils essaient de la chanter ... c'est un moment magique.

Au réveil, à cinq heure pour aller prendre le train, nous avons le cœur serré de quitter cet endroit. Puja, un des colocataires, ne s’est pas couché cette nuit et nous prépare du riz fris pour notre petit déjeuner ! Nous mangeons rapidement et prenons la route avec Wahyu et Tovan, direction la gare. Il est difficile de leur transmettre notre joie de les avoir rencontré, surtout pour moi qui suis une femme. Pas question de leur faire la bise, ni de les serrer dans mes bras : je dois me contenter d’une chaleureuse poignée de main. Un peu plus et nous aurions la larme à l’œil. Je ne les reverrai peut être jamais, mais je me persuade que nos chemins se recroiserons un jour en Indonésie ou même en France ! Dans l’un des bars que nous avions fréquentés, il était tagué sur un mur « La vie commence lorsque vous sortez de votre zone de confort ». Ce week-end, nous avons vécu une vie de jeune indonésien. Nous avons goûté à l’odeur âpre de leur maison pourrie, nous avons tremblés sous les seaux d’eau glacée qui leur servent de douche mais nous avons surtout vécu : parlé, rit, mangé, bu avec des gens qui nous ont accueilli à bras ouverts. Ces deux jours sont déjà derrière nous, pendant que nous regardons défiler le magnifique paysage de volcans et des rizières depuis notre petit train…