Retrouver la Thaïlande, c’est comme retrouver une vieille copine. Nous avons parcouru vingt-cinq kilomètres et traversés juste une frontière mais déjà tout le monde nous sourit. La folie de la Thaïlande n’était pas une illusion. En une après-midi d’attente à la Gare de Nong Khia, nous avons déjà croisé un moine complètement frappé qui venait murmurer des choses aux passants en éclatant de rire, nous avons retrouvé les jeunes flashions-victimes qui se prennent en selfie devant le train ou encore cette manière de parler si expressive et extravagante !

En débarquant du train, c’est Bangkok que nous retrouvons avec un plaisir immense. Nous avons le sentiment d’être un peu chez nous. Le super petit monsieur, chez qui nous allons petit déjeuner, nous reconnait et nous offre le thé. Nous sommes sur un petit nuage, dans notre ville chérie avec tout le confort que nous n’avons pas eu ces derniers mois. Nous regagnons notre chambre pour faire une sieste avant d’attaquer le shopping mais nous avons le malheur d’allumer internet et nous nous trouvons nez à nez avec les attentats de Nice. L’incident n’a que quelques heures et vous êtes encore tous endormi en France. Nous sommes beaucoup plus touchés que nous n’aimerions. Être à des milliers de kilomètres de ce conflit n’apaise pas nos cœurs. Jusqu’à présent, nous avons suivi l’actualité en silence, constatant les attentats qui se succèdent avec une impuissance insoutenable. Nous avons le temps d’y penser, le temps d’analyser ce bordel incroyable que le monde devient. Nous avançons en boitant de l’espérance, oscillant entre optimisme frénétique et désolation. Nous ne sommes pas du genre à avoir peur, en grande partie par inconscience, mais s’il y a une chose dont nous sommes certains, c’est qu’on se sent plus en sécurité ici que dans nos pays « civilisés ». Pour nous mettre du baume au cœur, la petite Madame Pui, mascotte féline de Taewez Guest House, pousse la porte entre-ouverte et se glisse avec nous sur le lit. Elle restera étalée comme chez elle, à dormir et ronronner, jusqu’à ce que nous soyions obligés de la mettre dehors pour dormir. Bangkok a vraiment un goût de chez soi.

Dès le lendemain, nous voilà debout prêt à affronter une journée dans China Town et le marché de Sempang Lane. Nous passons un cap déterminant dans notre vie de nomade, François achète une petite bouilloire. Maintenant, nous avons le café, les filtres et de quoi chauffer l’eau : nous sommes libres ! Pendant que nous piétinons, serrés comme des sardines au milieu d’une foule compacte qui tente de se faufiler entre les magasins, j’entends François me dire « Tu imagines une bombe là-dedans ? ». Et nous rions, parce que franchement, nous n’avons ni le cœur à pleurer, ni le cœur à avoir peur. Tous ces évènements ne bâillonneront pas notre joie de vivre, et il y a encore tellement de belles choses à expérimenter. En sortant de la chambre pour aller faire des photocopies, je tombe sur une des dames de l’hôtel qui mange dans la salle commune. Avec une énergie époustouflante, elle se jette sur moi, m’assoie à sa table, me donne une assiette et me voilà en train de manger une sorte de salade de crudité au crabe. Elle me sert des pattes, du riz et des petits poivrons délicieux. Au bout de dix minutes, je pleure tellement le plat est épicé et je suis obligée de lui dire que je n’en reprendrai pas car j’ai déjà mangé et que c’est très pimenté ! Pleine de gentillesse, elle me salue d’un air de dire « C’est bon, tu peux sortir de table ! ». Je la remercie fortement, en joignant mes mains et en répétant « Kop Khun Kha » puis je m’éclipse. Ces moments n’ont pas de prix.

Le lendemain, c’est un grand jour, nous nous rendons dans un marché inexploré : Chatuchak Market, ainsi que le grand centre commercial JJ Mall. Il est tellement grand que c’est presque effrayant. Comme ce marché nous a été conseillé par le Thaïlandais rencontré à Paksong, nous nous attendions à quelque chose de local. Lorsque nous commençons, nous en avons un peu l’illusion mais dès dix heure du matin, une marée de touristes envahit les lieux. Nous traversons le marché aux poissons mais à notre immense surprise, il ne s’agit pas d’un marché alimentaire : ce sont des poissons d’aquarium ! Des carpes Khoi, des guppies, des platies, des scalaires … Ils sont par centaines, dans des bocaux, des sacs plastiques, des aquariums ! Ensuite, nous regagnons le fameux « Sky Train », une sorte de métro en plein air qui traverse la ville et François découvre, sur Facebook, qu’un ami à lui est en ce moment à Bangkok ! Pendant notre après-midi de repos, nous organisons les rencontres ! Nous retrouverons Damien, qui vient de Paris, à Koh Tao et peut être Diego qui habite à Jakarta, dans deux mois.

Encore une journée à Bangkok et nous découvrons comme il est facile de nous déplacer uniquement en bus, sans même connaître les lignes. Un premier bus gratuit nous emmène près de Pantip Commercial Centre où nous cherchons désespérément un nouveau boitier de Gopro. Même à BKK où nous sommes censés tout trouver, impossible de mettre la main sur du matériel… Nous repartons bredouille, sautons dans un bus qui se rend à la gare des trains et nous renseignons sur le trajet de demain. Après un petit repas, nous marchons jusqu’à China Town (je ne m’en lasse pas !) puis prenons le bateau pour rentrer. Nos sacs sont à nouveau pleins à craquer. François porte deux kilo de café et je me suis alourdie d’un bon nombre de babioles !

C’est difficile de quitter Bangkok, nous aimons tellement cette ville. Heureusement, l’idée que demain, nous sautons dans un train de trois heures en troisième classe, nous allège l’esprit. Dans ces trains règne une ambiance tellement conviviale et joyeuse que nous oublierons rapidement notre chagrin !