Nous arrivons enfin au Sulawesi. Cette grande île perdue entre la Papouasie et Bornéo, dont personne ne parle jamais et dont nous avons tant rêvé. Dans l’avion, nous avons survolé les îles Togian et je jubilais de voir ce grand lambeau de terre apparaître. L’atterrissage prend un peu de temps, nous décrivons des cercles au-dessus de Manado. Un coup nous sommes dans les nuages et la pluie, un autre nous sommes sous un grand ciel bleu !
Depuis que je suis une grande adepte de la négociation, nous osons prendre quelques taxis pour faciliter le voyage. Dans celui qui nous amène à l’hôtel, nous observons, intrigués, les nombreuses églises qui défilent devant nous. François demande au chauffeur s’il y a plus de chrétiens ou de musulmans sur l’île. Il semble très fier de nous dire que Manado est une ville en grande majorité chrétienne. Et il renchérit en nous expliquant qu’ici nous sommes en sécurité et que tout le monde aime les touristes ! Voilà qui devrait rassurer la famille … Nous échouons dans un hôtel miteux : Grace Inn. A vrai dire, peu importe, nous partons dès demain pour la réserve de Tangkoko Batuangas Dua Saudara !

La nuit fût bonne et nous sommes en pleine forme pour prendre la route. A voyager avec Chloé et Romain, nous avons pris nos aises en partageant des taxis ; nous devons reprendre le rythme des transports en communs ! Un bol de muesli, un café et nous partons sacs sur le dos … sous la pluie. Nous prenons deux mikrolet, un bus public et nous finissons le voyage dans la bene d’un camion, au milieu de bananes, de bouteilles de gaz et de rouleaux de cordes ! Nous sommes dehors, dans le vent et la pluie, à admirer le paysage avec émotions. Les montagnes sont recouvertes d’une immense forêt pluviale primaire, digne de nos plus grands fantasmes de jungle. Pourtant nous avons l’habitude, mais tout est si luxuriant, si vert, si vivant … Les cheveux dans le vent, nous rions en voyant les expressions sur le visage des habitants qui ont, certes, déjà vu des touristes mais jamais ailleurs que dans un taxi ! Le conducteur nous dépose devant la merveilleuse Tarsius Homestay. Un homme nous conduit à une superbe chambre. J’ai peur du prix qu’il va annoncer mais la pension complète est à vingt-huit euros pour deux par jour ! Il est midi et il nous invite à aller nous restaurer. Le repas est juste excellent et les portions sont énormes, au grand plaisir de François. Nous sommes déjà ravis et ébahit alors que nous n’avons même pas mis un pied dans la jungle. Nous réservons pour le lendemain matin, une marche de quatre ou cinq heures dans la forêt, pour apercevoir toute cette faune et cette flore qui grouillent dans les sous-bois. Le guide nous explique très fièrement, que Nicolas Hulot est venu ici, dix ans plus tôt, avec toute son équipe, pour filmer la réserve !
En attendant demain, nous partons faire un petit tour sur la plage qui est à quelques pas. C’est une longue étendue de sable noir volcanique, à la lisière d’une immense forêt, sur laquelle gisent quelques bateaux de pêcheurs. Nous marchons un moment pendant que le soleil décline et rentrons à la Homestay. Un bon repas et une grosse nuit sont de rigueur pour le trek de demain.

A l’aube, nous partons avec John à la découverte de la réserve de Tangkoko. Nous sommes venus pour voir des animaux, mais nous savons qu’il sera difficile de les voir tous et que nous ne devons pas trop espérer. Alors que nous marchons sur le chemin principal, encore un peu endormis, John nous montre du doigt deux silhouettes haut dans les arbres. Ce sont deux couscous, des marsupiaux, qui se prépare à une journée de sommeil. John nous fait passer ses jumelles et nous les voyons, éberlués, nous scruter depuis la cime de leur arbre. Mon appareil photo est vraiment endommagé, la mise au point est difficile, il affiche des « erreur contrôle objectif » et il me faut sans arrêt l’éteindre et le rallumer pour contourner le problème. Je prends quelques photos pour le souvenir et profite pleinement à l’œil nu de ce petit couple qui grignote des feuilles. Nous reprenons la route et quittons le chemin pour des petits sentiers dans la jungle. John a repéré son arbre à Tarsier, il sait que chaque jour, quelques individus viennent y dormir. Pour la première fois, nous nous retrouvons nez à nez avec ce petit animal. C’est un singe d’à peine quinze centimètres de long, qui nous regarde avec des yeux énormes. Des yeux si gros qu’il ne peut les bouger dans ses orbites, ce qui l’oblige à orienter sa tête dans tous les sens pour voir autour de lui ! Le guide a plus d’un tour dans son sac et comme il est très tôt (à peine six heure), les tarsiers ne sont pas encore endormis. Il sort de sa sacoche une bouteille remplie de sauterelles. Il se met donc à déposer des sauterelles sur le tronc de l’arbre, et les minuscules primates se jettent sur les insectes pour les croquer ! Le spectacle est à la fois fantastique et totalement hilarant. Nous reprenons la route et les découvertes s’enchaînent. D’abord un magnifique martin pécheur puis des dizaines de calaos, deux espèces endémiques. Nous nous postons proche d’un nid et observons ces magnifiques oiseaux faire des aller-retour pour nourrir leur progéniture. Nous sommes déjà comblés, mais la jungle nous offre encore deux autres espèces de martins pécheurs et un oiseau rare dont je n’ai malheureusement ni nom ni photo. Nous n’imaginions pas que nous puissions encore voir les singes noirs, nous avons été tellement gâtés. Pourtant, lorsque nous rejoignons le grand chemin pour rentrer, nous tombons sur une véritable horde. Ils sont vingt, peut-être trente, et ne sont pas du tout effrayés. Nous les observons de tout près, les filmons, les photographions. Nous avons enfin terminé la vidéo que vous pouvez aller voir ICI !
Cette matinée est une vraie réussite. Le Sulawesi n’a pas fini de nous surprendre, je ne regrette pas d’avoir tant insisté pour étendre le voyage jusqu’à cette île reculée.

Le reste de la journée sera ponctuée d’une petite sieste, d’une longue balade sur la plage et d’un très bon repas du soir en compagnie d’un australien et d’un suisse qui nous fournissent pleins de renseignement sur le reste de l’île. Nous nous effondrons à vingt et une heure trente pour notre dernière nuit dans la réserve…