Nous avons eu l’excellente idée de prendre un bus de nuit pour rejoindre rapidement Bukittinggi. Jamais nous n’avons eu de bus de nuit aussi atroces. Si vous vous souvenez de nos récits de l’Inde, il semble difficile de faire pire… Nous sommes en fait montés dans bus sans couchette ni siège inclinable pour le modique trajet de quinze heures. A ce tableau déjà chaotique, vous pouvez ajouter la climatisation réglée à dix degrés ainsi que les routes indonésiennes qui s’apparente davantage à des chemins et ce, en pleine montagne. Nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit. A l’arrivée, nous cherchons l’hôtel à l’aide de notre nouvelle amie anglaise, Maddy, qui voyage seule. Nous posons nos affaires à Orchid Hotel et sortons pour un petit déjeuner. Cette journée est perdue, nous le savons et nous en profitons pour skyper, écrire les articles, retoucher les photos et nous reposer. Alors que nous espérons nous coucher très tôt, un guide avec qui nous avons sympathisé nous emmène manger dans un restaurant local. Nous nous régalons et il nous motive même pour une bière. Imaginez sa déception lorsque, tous les trois, nous lui annonçons à vingt et une heure que nous allons nous coucher ! Il faut d’autant plus se coucher tôt que le muezzin de la mosquée d’à côté chante à quatre et six heure du matin … ça promet déjà !

Nous avons rendez-vous à huit heure avec Maddy pour aller au marché du matin. Nous passons un moment très agréable à marcher dans les rues. Maddy, qui a récemment eu beaucoup d’heures de vol, a appris pas mal de mots en Indonésien. Elle nous en apprend des très utiles. Sa présence est une bénédiction car non seulement d’être très gentille, elle nous force à parler anglais constamment. Nous retrouvons le guide qu’elle avait rencontré la veille et qui se vantait d’avoir de très bon tarifs sur les treks. Malheureusement, ils ne sont pas si bons que ça mais après une longue négociation, nous parvenons à un tarif de vingt euros par personne. Nous partirons donc ce soir, autour de vingt-trois heure, pour gravir de nuit le flanc du volcan Merapi afin d’arriver au sommet pour le lever du soleil ! En attendant, la nuit blanche dans le bus nous a bien cassée et le temps est trop douteux pour partir vadrouiller en scooter. Nous décidons de ne rien faire aujourd’hui et d’essayer de faire une longue sieste avant notre départ pour le trek. Les muezzins de la ville semblent infatigables et nous avons parfois l’envie irrépressible d’aller débrancher tous les micros.

Nous avons dormi un peu dans l’après-midi, et nous sommes retournés avec Maddy pour manger dans notre stand de rue favori. Après une bonne plâtrée de riz, nous nous offrons un martabak : une sorte d’énorme pancake que nous choisissons de remplir de banane. Nous préparons les sacs en emportant de quoi grignoter pendant la marche, le plus de vêtements chauds possible et de l’eau. Puis nous voilà parti, nos sacs sur le dos, pour rejoindre le guide qui nous attend en bas de la rue. Nous avions un peu peur de nous retrouver avec un groupe mais nous ne sommes que trois, c’est formidable ! J’avoue que je suis très stressée. Il ne s’agit pas du tout du fait que ce volcan est le plus actif de Sumatra mais plutôt des conditions de marche de nuit, de notre équipement beaucoup trop léger que ce soit au niveau technique (chaussures) ou au niveau température (vêtements chauds).
Lorsque nous commençons enfin la marche, je commence à me détendre ! Notre jeune guide, Petra, commence sur les chapeaux de roue. Je suis essoufflée, je souffre déjà beaucoup. Il fait une première pause au bout de trois quart d’heure qui me casse complètement les jambes. Je lui demande si nous pouvons marcher moins vite mais ne pas faire ce genre de pauses. Maddy et François souffrent aussi mais j’ai l’impression qu’ils cavalent bien mieux que moi. Le chemin est très dur, il n’y a pas de lacets, nous montons tout droit dans la jungle et c’est tellement raide que nous devons nous aider des mains. Je ne sais pas si c’est l’altitude, mais très vite je me sens à bout de force. Il ne s’agit même pas du souffle ou des muscles, au bout d’une heure trente de montée, je suis allée au-delà de mes capacités. Chaque pas est un effort mental abominable et j’ai parfois juste envie de m’assoir et de pleurer. Heureusement, Maddy et le guide gardent le rythme et François est formidable. Il m’attend, m’encourage et j’ai tellement envie de voir ce volcan que j’avance comme un zombie, en puisant dans des forces que je n’ai plus. Sur le chemin, nous croisons un petit serpent vert fluo qui semble terrifier notre guide. Nous rebroussons chemin puis ne trouvant pas d’alternative, Petra prend un long bâton pour le chasser. Nous passons la zone à risque en courant et reprenons l’ascension.
En deux heures quarante, nous arrivons au camp de base avant la dernière ascension. Pas question de monter au sommet maintenant, il est à peine trois heure du matin, nous devons attendre au moins cinq heure avant d’entamer la dernière partie. Petra nous montre un abri bâché et nous nous lovons sous une table avec nos vêtements les plus chauds sur le dos … c’est-à-dire pas grand-chose ! Heureusement, j’ai pris la couverture de l’hôtel dans le sac et je pense qu’elle nous a sauvé la vie. François tremble comme une feuille, Maddy est gelée et j’essaie de réchauffer tout le monde en partageant la couverture. Nous aurions dû dormir pour nous reposer mais c’est impossible. Nous nous assoupissons surement par moment mais le froid est trop intense. Par moment, nous avons la nausée. C’est surement un mélange détonnant entre l’effort fourni et le mal d’altitude.
Lorsque le guide annonce le départ à cinq heure trente, nous sommes soulagés ! Nous entamons les dernières trente minutes qui nous séparent du toit du monde. Je suis à bout de nerfs, mon corps est vidé, je monte en pleurant et François joue encore un rôle incroyable pour mon moral. Lui aussi est à bout, il a mal au ventre et extrêmement froid. Je ne sais pas par quel miracle nous arrivons au bord du cratère mais lorsque nous sentons l’odeur de soufre et que le volcan se découpe dans la brume, nous oublions toute la souffrance qu’a été la montée. Nous galopons presque jusqu’au petit promontoire où nous attend le lever de soleil. Par moment, nous sommes complètement pris dans la brume et à d’autres, nous avons une vue magnifique sur la vallée et sur un magnifique levé de soleil. Quelle récompense ! Quelle satisfaction ! Nous réalisons enfin que nous avons gravi mille six cent mètres de dénivelé en trois heure dix … c’est tout simplement énorme ! Nous contemplons les nuages qui défilent et malgré le froid poignant, nous avons du mal à quitter le sommet. Il est six heure trente environ et nous entendons au loin le chant des Muezzins dans la vallée.
Avant d’entamer la descente, nous prenons un petit déjeuner à l’abri du vent. Nous avons tous l’estomac noué par la fatigue mais nous nous efforçons d’avaler quelques petits gâteaux. A sept heure vingt, nous commençons à descendre. Comme nous n’avons pas le souffle coupé par la montée, nous bavardons et le temps file comme un éclair. Nous arrivons autour de dix heure quinze dans la ville de départ. Il nous faut encore marcher vingt minutes pour aller prendre un bus local dans le village d’à côté. A notre grande déception, le taxi de cette nuit n’est pas resté là à nous attendre … ! Nous somnolons dans le bus jusqu’à l’hôtel.

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Vers treize heure, au moment de prendre une douche et de dormir, j’ai un très mauvais pressentiment. Ou est notre pochette plastique avec nos six cents euros en liquide ? Nous retournons la chambre, retournons nos cerveaux pour enfin trouver que nous l’avons laissée, bien cachée sous le matelas, dans l’hôtel précédent. Panique à bord. Je remue ciel et terre pour appeler l’hôtel qui m’expliquent que je dois attendre la fin d’après-midi car, en ce moment, des gens dorment dans la chambre après un bus de nuit. Heureusement que nous sommes épuisés, nous parvenons sans problème à faire une sieste de quatre heures ! Au réveil, je cours rappeler l’hôtel : ils ont trouvé notre argent et nous sommes tout simplement sidéré par leur honnêteté … il ne s’agit pas d’une petite somme ! Problème, quinze heure de bus nous séparent. Nous proposons au gérant de les envoyer ici, mais il m’explique qu’une famille anglaise a prévu de partir demain pour la même ville que nous et qu’il va leur demander de nous rapporter notre argent. Dans des cas si extrêmes, il faut apprendre à faire confiance. Nous rappellerons demain pour savoir s’il a pu s’organiser. En attendant, un bon repas, un tour sur internet et au lit ! Au réveil, nous sommes littéralement épuisés. Pas de grosses courbatures en définitive, mais une fatigue générale que j’ai rarement ressentie. Je suis incapable de faire quoi que ce soit. Nous profitons de ce break pour mettre au point l’arrivée de notre argent. Nous achetons une carte SIM, appelons le propriétaire et contactons la famille anglaise : nos six cents euros arrivent demain dans la journée ! Pour le reste c’est le repos total : sieste, film, rédaction d’articles et retouche photos. Nos organismes ressentent les violentes conséquences de deux nuits blanches en quatre jours…

(suite de Bukittinggi dans un deuxième article)