Nous avons quitté Kuala Lumpur à huit heure du matin, pour rejoindre son port maritime : Pelabuhan Klang. A dix heure, nous patientons quelques soixante minutes dans une file d’attente pour avoir enfin nos billets. Comme nous l’a confirmé l’agence par téléphone la veille, nous sommes prêts pour un départ à onze heure trente. Lorsque nous déposons nos bagages direction la soute, le responsable nous dit que le bateau est prévu à deux heure. Nous avions fini notre monnaie en achetant quelques trucs à grignoter pour un voyage : résultat nous n’avons plus le moindre sous pour nous payer un vrai repas. Finalement, lorsque nous commençons l’embarquement vers treize heure trente, le douanier nous explique que le temps de faire monter tout le monde et de charger les bagages, le bateau devrait partir aux alentours de quatre heure. Pour terminer, c’est à dix-sept heure vingt que nous prenons le large. Nous n’avons que des chips et du cake à la banane pour contenter nos estomacs qui crient famine et le repas qui nous est servi sur le bateau est immangeable, il sent la viande avariée à plein nez, pas le peine d’y toucher. Ce qu’il faut imaginer, c’est que plus de deux cents personnes ont attendu, assises à par terre, pendant six heures avant le départ du bateau et que personne n’a émis la moindre colère ou impatience. C’est ça l’Asie, on attend, on ne comprend rien, on attend encore et on finit par en rire et chronométrer les heures perdues à attendre…

Lorsque nous débarquons enfin à vingt-deux heure, c’est le saut dans le vide. Il fait nuit noire et personne ne parle anglais. Il est même difficile de faire valider notre entrée dans le pays alors que nous avons déjà obtenu le visa à une ambassade ! Lorsque nous sortons du port, nous cherchons à nous éloigner un peu pour avoir des prix corrects sur les taxis mais mon instinct de préservation s’active. Nous n’allons pas marcher dans le noir, au milieu de nulle part, nos gros sacs sur le dos à la recherche de je ne sais quel hôtel ou taxi décent. Nous revenons sur nos pas, négocions un taxi et prenons la route direction l’hôtel le plus proche. Ce que nous ressentons à cet instant est grisant, la sensation d’être au bout du monde. Nous y retrouvons des sensations de l’Inde. Les odeurs d’épices, de transpiration, de fumée, de déchets, d’herbe coupée et de vieux moteurs croulants, nous provoque des hauts le cœur de souvenirs et de bien-être. Les marchés aux poissons sont en train d’être vidés d’immenses hangars en bois. Bref, après des mois de conforts, de civilisation, de tourisme de masse, nous voilà seuls pour traverser Sumatra, plus motivés que jamais. Bercés par la vision inoubliable de notre arrivée en Indonésie, nous nous endormons dans l’hôtel de luxe complètement décrépi où nous avons élu domicile.

Au réveil, nous prenons un petit déjeuner à l’hôtel qui nous enflamme les entrailles et nos sacs sur le dos, nous partons à la recherche d’un bus inconnu qui saura nous conduire à Parapat. Nous franchissons le portail et immédiatement, une dizaine d’hommes surexcités se jettent sur nous pour savoir où nous allons. Nous sommes un peu méfiant mais ils nous renseignent et arrête le bon bus pour nous emmener à destination. Nous montons dans un mini van crasseux, nos bagages sont posés dans la soute pleine d’essence et en route ! Nous ne savons pas où nous allons, pour combien de temps nous en avons et à chaque arrêt, le van se remplit davantage. Nous atteignons le nombre de vingt-deux personnes dans une voiture de quinze places ! Au bout de trois heures de route, nous nous arrêtons dans un village grouillant et le chauffeur nous fait descendre. Nous sommes immédiatement pris en charge par un deuxième homme qui nous fait monter dans son van. Et nous voilà reparti pour deux heures, serrés comme des sardines, dans les routes de montagnes qui nous font gravir le bord du cratère où se trouve le fameux lac Toba.

Enfin, nous nous arrêtons à Parapat. Il est quatorze heure et nous n’avons rien mangé depuis notre réveil. Vers seize heure, nous arrivons enfin à Liberta Home Stay dans le village de Tuktuk. C’est un paradis terrestre, au bord du plus grand lac volcanique du monde. Il y a évidemment quelques touristes, le choix des hôtels est très réduit. Au soleil couchant, je sors avec mon appareil photo pour prendre les rizières et soudain le ciel s’embrase. Nous ne voyons pas le coucher du soleil lui-même, mais ses rayons inondent le ciel et les nuages d’une lumière surréaliste. D’abord d’un orange flamboyant, accompagné d’un arc-en-ciel puis d’un rose pastel qui s’assombrit jusqu’à la nuit. Rien ne peut venir entacher le tableau de notre arrivée à Sumatra. Et dire que nous n’avions même pas prévu d’y passer et que c’est un Guadeloupéen, Alain, rencontré au Laos qui nous a fait changer d’avis sur notre parcours…

Le lendemain de notre arrivée, nous louons un scooter et partons sur les routes de campagnes. C’est dimanche et autour du lac Toba, les chrétiens sont majoritaires. Les trois quarts des habitants de l’île, sur leur trente et un, sont entrain de marcher dans les rues pour aller à la messe. Pendant ce temps, nous découvrons le tombeau du roi du XIVème siècle et surtout, nous rencontrons les habitants, les maisons traditionnelles, les paysages … Comme un retour en Inde, on nous demande à nouveau de poser pour des photos, ce que nous faisons de bon cœur ! Mais cette fois, je leur tends mon appareil photo afin d’en garder un souvenir ! Nous rentrons juste manger et digérer, puis nous repartons sur notre scooter, juste pour le plaisir de voir le paysage défiler. C’est un endroit magnifique, entre palmier, lac et conifères d’altitude. La température est très agréable, un poil chaude en journée et délicieusement fraiche la nuit. Nous décidons quand même de ne pas nous y attarder afin de poursuivre notre très longue route de deux mille six cents kilomètres qui nous séparent de Surabaya, ville où nous devons être pour un vol le quatre octobre. Nous avons réservé pour demain un bus de nuit de seize heure de route, direction la ville d’altitude de Bukittinggi ! Pour l’instant, l’Indonésie nous enchante, en route pour l’aventure …