Ce matin au réveil, je suis couverte de boutons. Des doigts jusqu’aux épaules, une petite bébête semble avoir profité du chemin pour me piquer au moins une centaine de fois. J’ai même quelques piqures sur le visage et ça démange affreusement. La journée commence bien ! Nous rejoignons rapidement le marché d’où partent les transports locaux pour le village de Konglor. Nous sommes entassés dans le tuktuk collectif. Nous avons à peine de quoi poser les pieds tant il y a de bagages au milieu de la benne. Au bout d’une heure, j’ai déjà envie de faire demi-tour et nous nous demandons quelle idée absurde avons-nous eu de nous embarquer dans un tel détour. Au bout de cent kilomètres (parcourus en deux heures trente), le tuktuk bifurque sur la droite et nous nous enfonçons dans la campagne. Dans la nuit qui commence à tomber, apparaissent alors progressivement des montagnes karstiques qui se dressent dans la plaine. En l’espace d’une demie heure, le paysage devient féérique. J’y suis, nous y sommes. Nous sommes dans un reportage d’Ushuaia Nature que nous regardions gamins à la télé. Nous sommes Nicolas Hulot, découvrant des contrées reculées à l’autre bout du monde. Les blocs de roches gigantesques sont tantôt recouvert d’une jungle épaisse et sauvage, tantôt nus et acérés. Alors que ma gorge se serre devant ce spectacle incroyable, François se retourne et me dit « C’est beau à en chialer ». Je n’aurai pas dit mieux et nous nous perdons à nouveau dans une contemplation silencieuse. Nous suivons l’orage pendant que l’obscurité tombe et dérangeons les troupeaux de vaches qui rentrent chez elles. Nous arrivons dans la nuit noire à Khonglor Eco-Lodge et y trouvons une petite chambre impeccable pour nos deux nuits à Konglor.  

Au réveil, nous constatons que la magie de la veille n’était pas un rêve. Le paysage est encore plus impressionnant. La brume se lève, chassée par un soleil timide et les ouvriers commencent le travail dans les champs. Alors que nous marchons en direction de la grotte de Konglor, un rayon de lumière inonde les rizières. Les montagnes se reflètent dans l’eau des rizières, bref, nous sommes sous le charme. Je manque de vocabulaire pour vous décrire la beauté de cet instant, mais je compte sur les photos pour vous transmettre ce que nous ne pouvons dire. Nous nous dirigeons vers les grottes sous la falaise, profondes de sept kilomètres, à traverser en bateau. Une jeune fille se joint à nous pour remplir un bateau à trois places et partager le prix de la traversée. Nous passons d’abord de l’autre côté de la rivière avec une pirogue sommaire puis après une courte marche, nous montons dans un bateau à moteur. Nous nous enfonçons alors dans l’obscurité. Il fait si sombre que la Gopro ne peut pas saisir les ombres des parois qui bougent autour de nous. Les lampes sont bien faibles pour éclairer l’immense cathédrale de pierre qui se dresse au-dessus de nous. Spontanément, nous nous taisons tous pour admirer le spectacle. Il fait tellement sombre que les faisceaux lumineux des lampes semblent presque opaques, comme étouffé par les ténèbres. Pendant la traversée, nous faisons une halte à pied dans une zone équipée de projecteurs. Nous pouvons ainsi voir des stalactites et stalagmites comme tout droit sorti du centre de la terre. De l’eau coule par infiltration et même si notre chauffeur est très habile pour manœuvrer le bateau dans une quasi obscurité, il nous arrive de passer sous une avalanche de petites gouttes glaciales ! Le calme et la fraicheur qui règnent ici sont très agréables et nous ne voyons pas le temps passer. A midi, nous avons terminé l’excursion et sommes de retour dans la moiteur de la mousson.  

Nous mangeons des délicieuses nouilles avec pleins de bons légumes frais puis allons faire une sieste. Plus tard, vers seize heure trente, nous ressortons nous balader dans la campagne pour prendre des photos. Après l’émotion de découvrir un tel paysage, je suis toute euphorique, je n’arrive toujours pas à y croire. Toutes les familles travaillent dans les champs. Tout le monde met la main à la patte, même les plus jeunes. Ici, le riz est d’abord planté en petites parcelles très denses, puis les plants sont prélevés et repiqués dans d’autres parcelles. Mis à part le travail du sol qui est fait à l’aide une sorte de motoculteur aquatique, tout le reste est fait à la main. C’est un travail titanesque. Nous pouvons aussi observer l’importance du bétail. Les parcelles sont généralement clôturées de manière sommaire. Les buffles sont volontairement mis à brouter dans les parcelles encore vides, de sorte que les bouses fertilisent la terre puis les palissades les tiennent à l’extérieur lorsque le riz pousse. Il y a aussi pleins de canards qui font et viennent dans les champs, pataugeant dans les rizières. C’est un tableau magique. Plus tard dans la soirée, je suis retournée seule me balader. En demandant la permission, je suis rentrée dans les rizières et j’ai encore pris d’autres photos dans une lumière extraordinaire.  

Vous l’aurez compris, ce village valait le détour. Nous sommes sur un nuage, la tête remplie de beaux souvenirs…