Nous avons passé une nuit à Sibu avant d’embarquer pour le bateau qui nous conduira à Kuching. Ce ferry de cinq heures traverse la mangrove et un bras de mer pour attendre cette ville mythique dont nous avons tant rêvé. Elle est entourée de sept parcs et réserves, protégeant des écosystèmes d’une diversité fulgurante. Des mangroves aux forêts primaires en passant par les plages et massifs de coraux, ces zones protègent une multitude d’espèces végétales et animales. Nous avons hâte de découvrir les environs, et nous posons nos sacs à Three House B&B. Cet hôtel, chaudement recommandé par le Lonely Planet, est très agréable. Nous avons une chambre très correcte, avec la climatisation et salle de bain commune. Le petit plus étant la cuisine, qui est mise à disposition pour les backpackers et où nous avons pu nous préparer de délicieux petits déjeuners.

Nous perdons, malheureusement, deux jours pour faire notre visa pour l’Indonésie à l’ambassade et à cause du mauvais temps : il pleut non-stop. Chaque aller-retour à l’ambassade nous prend à peu près trois heures et nous avons dû en faire trois en deux jours. La première fois que nous sommes venu, c’était simplement le jour de l’indépendance Indonésienne, donc un jour férié ! Nous sommes donc revenu le lendemain matin pour déposer le dossier, puis plus tard dans l’après-midi pour récupérer les passeports. Ce dernier aller-retour nous a posé quelques problèmes car jamais aucun bus n’est passé dans le sens du retour, nous laissant seuls à dix kilomètres de la ville. Après une heure d’attendre, un jeune chinois s’est arrêté et nous a tout naturellement ramené en ville ! Nous avons donc notre visa de soixante jours en poche, avec possibilité de faire une extension avant sa péremption. Ceci nous hôte un sérieux problème de la tête car nous ne savions pas s’il était possible de dépasser le visa maximum et nous avions besoin de soixante-dix jours pour notre périple.

Pour notre troisième jour dans la ville de Kuching, nous réglons le réveil à cinq heure trente : direction les Orang-Outans de la réserve de Semenggoh. Il pleut encore mais au diable les averses, cette fois nous y allons quoi qu’il advienne. Cette réserve non clôturée de six cent hectares abrite vingt-six spécimens, plus ou moins sauvages. Afin de les réintroduire pour le mieux, le parc a opté pour les laisser en totale liberté, tout en assurant un apport complémentaire en fruits et légumes chaque jour à heure précise. Cette méthode permet aux Orang-Outans les plus dégourdis de revenir progressivement à l’état sauvage, sans qu’aucun ne meure de faim. Grâce aux aires de nourrissage, nous avons pu voir ces grands primates ! Nous avions eu des avis très différents à propos de cette visite et nous étions méfiant. Malgré un très grand nombre de visiteurs (autour de soixante personnes), l’arrivée du premier singe se fit dans le silence total. Nous avons été rassuré de voir que les gens respectaient ce qu’ils étaient venus voir. Dépassant le côté un peu « attraction » de la visite, nous avons su profiter de cet instant magique où nous avons découvert, en chair et en os, le géant roux du Livre de la jungle ! Nous avons parfois le sentiment un peu amer de venir voir des merveilles de la nature qui n’existeront plus dans quelques années. Mais rien n’est perdu et la beauté de ce dont nous sommes témoin est bien plus forte que n’importe quelle pensée négative. Dans le bus nous conduisant à la réserve, nous avons rencontré Else, une jeune hollandaise. Elle est vive, pleine de bon sens et très sociable. Nous nous regroupons avec deux allemands Kira et Lutz pour nous rendre à une ferme aux crocodiles. Nous aurions su le prix du billet d’entrée, nous n’aurions pas suivi mais nous sommes devant le fait accompli. Après un spectacle de nourrissage de crocodiles, nous faisons un bref tour de ce zoo miteux. Nous finissons par rejoindre la route principale pour y attendre un bus. A peine sortis du zoo, une voiture de jeunes malais s’arrête et ils nous proposent de nous ramener en ville ! Nous sommes ravis et nous nous entassons dans la joie et la bonne humeur dans la voiture. Ce sera la douche froide lorsqu’une fois arrivés en ville, le conducteur nous demandera le prix d’un taxi. Mais nous sommes cinq et nous lui expliquons calmement que nous aurions su qu’il comptait nous faire payer, nous aurions attendu le bus et que s’il veut facturer ses services, il faut le dire avant de nous emmener ! Il renonce assez rapidement à son paiement et reprend la route. Nous sommes tous les cinq abasourdis par ce qui vient de sa passer. Les deux allemands regagnent leur hôtel et nous faisons la route avec Else jusqu’au notre. Elle loge tout près de nous et nous propose de se rejoindre ce soir pour manger ensemble : adjugé vendu !

Malgré les trois bières de la veille et un couché assez tardif, nous sommes debout à cinq heure, parés pour partir à la découverte du Bako National Park. Nous mangeons un plat de Mee Kolok au marché avant de dormir pendant l’heure de bus qui nous conduit au parc. Il fait un temps extraordinaire, voilà un moment que nous n’avons pas eu un ciel si bleu : c’est une vraie bénédiction ! Une fois sur place, nous payons un bateau et à huit heure trente, nous sommes dans la nature. Il semblerait que venir pour une journée soit suffisant car toutes les personnes ayant dormies sur place en sont à peine au petit déjeuner, ce qui nous laisse la jungle pour nous seuls. Aux portes de l’accueil, nous observons notre premier singe nasique qui mange tranquillement dans les arbres. Rien ne semble le perturber et nous nous approchons vraiment près. Ce singe a des proportions très humaines et son attitude est déroutante. Il a vraiment la même gestuelle que nous et des expressions que nous reconnaissons mais sur le visage d’un animal sauvage. Plus tard dans la première balade d’une heure trente, nous en verrons de loin sauter d’arbres en arbres près d’une plage entre falaise et jungle. Nous prenons ensuite notre courage à deux mains pour entamer la boucle de trois heures qui traverse différents types de paysage et de végétation. Nous bouclerons le tour en deux heures trente sans voir d’animaux mais en profitant des changements incessant d’écosystèmes. Nous passons au-dessus de falaises abruptes, traversons des forêts primaires de basse terre et des forêts de bruyères puis nous montons jusqu’à un plateau de grès. Par moment, le chemin est bordé de petites plantes carnivores. L’ambiance est totalement irréelle. Sans regret, trempés, ravis, grillés, nous prenons le bateau du retour et nous nous effondrons dans le bus. Nous mangeons au restaurant « Meeting point » près de la rivière où nous dégustons une fois encore un délicieux Kueh Teow (des nouilles fries à la sauce soja).

Malheureusement, la météo et la fatigue nous clouerons en ville jusqu’à notre départ. J’ai encore attrapé la crève à cause de la climatisation ! A nous les grasses matinées forcées, les balades, les averses tropicales improvisés et les dégustations de café local. Il faut dire que c'est une ville particulièrement agréable. Dans cette ville, parfois très moderne et parfois imbibée d’une atmosphère coloniale, les petites maisons de négoces de l’époque se mêlent aux temples chinois colorés. La population chinoise à Kuching est très importante et nous séjournons ici durant la fête annuelle des fantômes. D’après les croyances Taoïstes, du quinze aout à début septembre, les portes des enfers sont ouvertes et les esprits des morts peuvent errer librement sur terre. Pour apaiser les esprits, les familles brûlent des offrandes devant les maisons. Nous avons réussi à comprendre l’agitation de la communauté chinoise en posant des questions et en farfouillant dans le guide… Autre anecdote, Kuching signifie « Chat » et ce complètement par hasard mais ça n’a pas empêché la municipalité de construire des statues de chat à chaque rond-point et même un musée ! Flâner y est une activité à part entière. Dans nos déambulations, nous avons tous particulièrement apprécié le temple Hiang Thian Diang Ti situé en plein cœur de Old China Town et la Mosquée Indienne. Même le bord de la rivière est aménagé en promenade, qui s’anime le soir de stands alimentaires et touristiques. Autant dire qu’en plus d’être une ville au porte de la nature sauvage de Bornéo, c’est un endroit où il fait bon vivre et que nous avons eu du mal à quitter.
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