Nous arrivons de nuit dans une ville que nous appréhendons beaucoup. Retour violent à la civilisation, tourisme de masse, prix exorbitants … nous sommes vraiment sur nos gardes. Pourtant à peine arrivés dans la Homestay que Marselino nous a conseillé, nous voyons une partie de nos problèmes s’envoler. Nous nous attablons avec la fille du propriétaire et en quelques minutes, les infos coulent à flots ! Pas besoin de faire appel à une agence de voyage pour notre extension de visa, le propriétaire accepte volontiers d’être notre sponsor. Nous commençons à y voir beaucoup plus clair, et nous nous endormons sans peine dans notre lit, pas douillet du tout. La chambre est minable. Nous sommes dans un dortoir qui n’est séparé que par une minuscule cloison de la maison de notre hôte. Chaleur écrasante, bruit, moustiques par centaine, salle de bain commune insalubre (la seule en 10mois que je n’ai pas pu m’empêcher de laver un peu avant de me doucher) … ça paraît être un enfer mais en fait nous sommes ravis, car nous avons réussi à fuir les prix insultants du reste de la ville.

Le premier jour à Labuan Bajo, nous le consacrons au bureau d’immigration. Un premier aller-retour nous permet de récupérer tous les formulaires. Une photocopie de la carte d’identité de Monsieur Kornelis GIGA, une belle signature, notre passeport et nous voilà de retour au bureau pour finaliser la demande. La première nouvelle un peu décevante tombe : l’extension de François pourrait prendre un peu de temps, sa venue en Indonésie six ans plus tôt provoque des interférences dans son dossier, le logiciel doit être remis à jour à partir de Jakarta… Nous reviendrons dans deux jours voir si tout est rentré dans l’ordre.
En attendant, nous prenons nos marques dans la ville. Nous piochons les informations dont nous avons besoin auprès des agences de voyages qui proposent des croisières d’ici à Lombok. Nous pouvons prétendre à un départ le quatre novembre, ou un autre le six novembre mais tout dépendra de l’extension de visa de François. En fin d’après-midi, nous retrouvons Keon et Jolijn, nos amis belges que nous avons déjà croisés à Bunaken et dans le bateau pour les îles Togians ! Ce soir, nous faisons exploser le budget pour un bon repas entre amis : bières, mérou grillée et pancakes. Nous passons encore une extraordinaire soirée en leur compagnie, avec ces gens simples, pleins de bonnes ondes, souriants et positif : on ne s’en lasse pas ! Ils ont commencé leur périple en Amérique du Sud et continuent leur route vers les philippines pour une durée totale de dix-huit mois. Ils sont les bienvenues chez nous, nous sommes les bienvenus chez eux, c’est une amitié pleine de belle promesse que nous entamons !

Lors de notre deuxième jour, nous reprenons le scooter pour aller voir l’agence dont nous n’avions pas pu rencontrer le manager. Malheureusement, il n’est toujours pas là, mais nous croisons les français avec qui nous avons fait une partie du trajet en bus entre Bajawa et ici. Nous échangeons quelques mots sur notre recherche d’agence et avec spontanéité, le père nous propose d’aller discuter autour d’un jus ! Nous voilà donc attablés, avec le père et le fils, pour parler voyage. Ce petite discussion, qui durera quand même quelques heures, nous ouvre les yeux sur une manière tellement simple de voir la vie. Les parents ont toujours voyagé et même après la naissance de leur fils unique Mathis, ils sont partis à l’étranger tous les ans depuis ses neuf mois. Il a raté des mois de cours, qui en réalité n’ont eu aucun impact sur sa scolarité puisqu’il suivait le programme avec ses parents et même bien plus vite que ses camarades… Aujourd’hui Mathis a dix-huit ans et son père va bientôt le larguer en Asie du Sud Est, seul, pour quatre mois de voyage. Après ça, Mathis rejoindra son école d’art, pour poursuivre ses études. Le père nous explique avec plein d’optimisme que cet enfant n’a jamais rien gâché de leur vie, que certaines choses ont changé mais que ça ne leur a absolument pas mis des bâtons dans les roues. Honnêtement, même si la question est loin d’être d’actualité, ça fait du bien à entendre ! Mathis souffre d’une seule chose, être trop mature par rapport aux gens de son âge, avoir une vision du monde tellement plus vaste et décalée que ses collègues qui courent encore après le dernier iphone. Nous finissons quand même par nous séparer, après avoir échangé nos blogs de voyage et allons manger un morceau.
Nous prenons ensuite la route pour la cascade Cunca Walung. Nous roulons une bonne heure dans les route de montagne et je dois m’accrocher à François qui slalome entre les autres véhicules, trafic indonésien oblige ! Nous arrivons à la cascade et l’accueil nous refroidi légèrement. On nous demande un prix exorbitant pour entrer, ce que nous refusons. La dizaine d’hommes qui attendent à la réception essaient de nous faire peur en nous disant que nous avons besoin d’un guide car c’est glissant, qu’il y a des serpents et des singes, que le sentier n’est pas sûre. Nous ne nous démontons pas et sommes prêts à faire demi-tour lorsqu’enfin on nous propose un prix décent. Ce que nous n’avons pas anticipé c’est que nous sommes arrivés un peu tard et qu’avec les une heure de marche aller-retour pour aller jusqu’à l’eau, nous n’avons guère de temps pour nous baigner. Nous profitons quand même des derniers rayons de soleil de la journée et de l’eau fraiche de la rivière et nous entamons la remontée. Lorsque nous arrivons au scooter, les clefs de notre chambre d’hôtel, que nous avions oubliées dans un compartiment, ont disparues. Je commence à regarder par terre et à soupçonner la bande de gars qui attendaient près de l’entrée. Un homme se manifeste en nous demandant si nous cherchons nos clefs : évidement ! Il nous explique qu’il les a et qu’il va les chercher. Je suis très pessimiste sur les intentions du bonhomme, mais nous attendons patiemment, François sur le scooter et moi dans l’entrée du chemin. Lorsqu’il arrive, je m’avance vers lui souriante, prête à le remercier chaleureusement de nous ramener nos clefs mais d’un geste assez brusque, il refuse de me les rendre et se dirige vers le scooter. Je lui emboite le pas et il les remet à François. Lorsque j’enfourche le scooter, il arrive ce qu’il devait arriver, cet homme nous demande de l’argent en échange des clefs. Heureusement, François les a déjà dans la main, et faisant signe de ne pas comprendre, il démarre et nous partons…
Cette cascade, tant conseillée par les voyageurs, nous laisse un goût amer.
Pour nous consoler sur la route, nous arrivons pile à temps à un point de vue pour un magnifique coucher de soleil. Timing parfait pour bien terminer la journée. Nous filons ensuite tout droit vers la ville pour le marché de nuit où nous mangeons chaque soir depuis notre arrivée. Encore une journée bien remplie qui se termine.

Ce troisième jour, nous retournons aux bureaux de l’immigration pour récupérer nos passeports. Le mien est prêt comme prévu, mais celui de François n’est toujours pas à jour et le verdict tombe : nous devons encore attendre deux jour. Cette nouvelle implique que nous n’avons plus le choix pour la croisière, nous devons partir le six novembre. J’ai un peu du mal à encaisser ça. Perdre une semaine dans une ville touristique où la moindre activité nous coute un bras, le tout pour une extension d’un mois que nous n’utiliserons que dix jours et ce à deux semaines du retour, ce n’est pas le plus efficace pour garder le moral.
Pour nous consoler, nous allons dans une boulangerie avec une belle vue sur la baie de Labuan Bajo et commandons un café et des petits pains. Nous achetons pleins de cartes postales et nous lançons dans un atelier d’écriture ! En fin d’après-midi, nous prenons le scooter pour aller au bout de la baie de Labuan Bajo afin d’assister au coucher du soleil. Manque de bol, la route avec affreuse. Au final, nous avons une jolie vue mais rien de mieux qu’en ville et ce soir le soleil ne sort pas vraiment le grand jeu… Vous l’aurez compris nous rentrons bredouille mais passons directement par le marché de nuit pour manger. Au retour, notre hôte, Kornelis a acheté de l’Arak : le fameux alcool local indonésien. La veille, nous lui avions demandé s’il savait où en acheter du bon ; ce soir, il nous offre la consommation. Il est ravi que nous aimions, et renchérit : demain il en rachètera pour que nous rebuvions ensemble !

Le quatrième et le cinquième jour, nous ne faisons quasiment rien. Entre mon entretien d’embauche sur skype et tous les problèmes de connexion qui vont avec et nos aller-retour à l’immigration pour le visa de François, nous n’avons pas vraiment le temps de prévoir des sorties. Les nouvelles ne vont pas en s’améliorant. Le Visa n’est toujours pas prêt. Nous attendons jusqu’à samedi matin puis nous devrons prendre une décision, attendre encore ou partir sans l’extension de François et payer deux cent euros à la frontière.
Nous essayons d’oublier nos soucis le temps d’une soirée car l’adorable patron de notre homestay, avec lequel nous avons déjà pris deux fois l’apéro, nous invite à une fête dans son village. C’est une fête chrétienne qui a lieu deux fois par an. Les habitants de la communauté vont prier tous ensemble dans une maison par jour pendant un mois. Après chaque soirée de prières, ils mangent et font la fête tous ensemble. Nous arrivons juste après la messe, avec Kornelis et deux autres touristes qu’il a invité. L’ambiance est très agréable, nous sommes à la fois l’objet de tous les regards mais pas considéré comme des bêtes de foire. Arrive l’heure de manger et voilà que parmi les plats se trouve une marmite de chien mijoté. Nous avions été prévenu et nous sommes prêt à sauter à l’eau. François en prend une pleine louche, quant à moi, je me sers timidement un petit morceau. Le résultat est mitigé. Au-delà de l’aspect psychologique de mâchouiller un bout de chien, la viande n’a rien de particulier. Elle est plutôt coriace et nerveuse. En même temps quand on voit l’état des chiens dans la rue, on a du mal à imaginer que la viande puisse être tendre. Je lui trouve un goût un peu fort de gibier faisandé, bref, nous avons essayé mais ce sera la seule fois ! Dès que les assiettes sont finies, tout le monde pousse les chaises et la piste de dance se met en place. Il n’y a aucune honte et aucun taboo. Les jeunes dansent avec les vieux, les musiques traditionnelles s’alternent avec de l’électro digne des clubs de Bali et nous sommes sans arrêt sollicité pour aller danser avec eux ! Kornelis veut sans cesse nous faire boire de l’Arak mais les deux allemands n’aiment pas ça et François est le seul de nous deux à pouvoir conduire le scooter. Il nous sert un verre et se garde la bouteille pour lui, nous avons remarqué qu’il buvait beaucoup, même seul et en pleine journée. Il nous a raconté qu’il a commencé à boire lorsque sa mère est morte et que le temps qu’il rejoigne son île, elle avait déjà été enterrée. Mais ce soir-là, il ne s’agit pas de sa mère mais de sa femme qui lui arrache à deux reprises la bouteille des mains en le reprenant sévèrement. Il agit un peu comme un enfant, en chouinant et suppliant juste un verre. La scène est d’abord drôle mais un peu triste. Nous quittons finalement les lieux de la fête vers minuit et rentrons dormir à l’hôtel.

Au réveil de notre sixième jour, nous avons un message de l’employée de l’immigration qui nous explique que l’extension de François n’est toujours pas finie. Cette femme est venue spécialement pour nous travailler ce matin, et nous devons prendre maintenant notre décision pour ne pas la faire attendre. Perdons-nous encore du temps pour économiser deux cent euros ou prenons-nous les voiles pour notre croisière, histoire de profiter pleinement de nos deux dernières semaines ? Le raisonnement est suivant, nous avons dépensé dix-huit mille euros pour ce voyage de rêve alors gâcher la fin de l’aventure pour sauver deux cents euros serait vraiment dommage. C’est donc la journée branle-bat-de-combat, encore une me diriez-vous. Il nous faut aller à l’ambassade récupérer le passeport et l’argent que nous avions laissé pour l’extension. Nous passons la journée à courir, faire des petites courses de grignotages, réserver notre croisière pour Lombok mais pas avant d’avoir vérifié l’état du bateau, mettre la main sur des palmes car nous allons nager dans des endroits où le courant est fort … Nous finissons par nous poser pour une sieste dans la chambre que nous avons obtenue pour notre dernière nuit. Jusqu’à présent, nous étions dans le dortoir. Pour moi c’est séance épilation avant la croisière, session recherche d’emploi et pour François lecture et lessive. Nous remettons sans arrêt à l’heure suivante le moment de faire nos bagages, jusqu’à décider de les faire le lendemain matin avant de partir. Nous sommes soulagés que se termine cette journée éprouvante. Demain sera un autre jour...