Après le ferry bondé qui nous a permis de rallier les Gili’s à Padangbai sur Bali, nous sommes remontés à bloc. Je passe mon temps à pester contre les touristes, à moitié à poil, buvant de la bière à onze heure du matin. Après dix mois de voyage, nous ne comprenons toujours pas pourquoi venir jusqu’en Asie du Sud-Est si c’est uniquement pour bronzer et passer les trois quarts de la journée à moitié ivre. C’est une sorte de consommation du voyage, comme on coche une destination sur une liste de lieux paradisiaque pour envoyer des photos sur facebook et dire « j’étais là ». La plupart des gens qui sont « là » le sont sans y être. Ils mangent dans des restaurants bien proprets où la cuisine n’a plus rien de local, ils visitent des marchés conçus uniquement pour eux, se trimbalent avec des grosses valises à roulette qui gênent tout le monde et ils se jettent des taxis climatisés plutôt que de s’assoir dans un vieux bus avec les gens, les vrais …
L’arrivée dans l’hôtel de Marcel, la Villa Manouria, est comme un rayon de lumière. C’est Claude qui nous a conseillé cet endroit et nous atterrissons dans un véritable paradis sur terre. Marcel n’est pas là, mais il nous guide par téléphone et nous sommes accueilli par Ketute, une employée adorable, qui nous installe dans notre chambre. Bungalow en bois sur les hauteurs de Padangbai, balcons avec vue sur la baie, salle de bain ouverte sur l’extérieur avec des murs qui imitent la roche… nous sommes charmés. Il est quinze heure passée mais nous n’avons pas mangé à midi à cause du retard du bateau alors nous redescendons en ville pour manger un morceau. Au pied du long escalier qui mène à la colline, nous trouvons un warung comme on les aime, crasseux mais délicieux ! Maintenant que j’ai mangé et pris une bonne douche, je retrouve ma lucidité sur l’endroit. Une fois que les bateaux venant des îles se sont vidés et que tout ce beau monde s’est engouffré dans les taxis, la ville est presque déserte. Les touristes ici ne sont que de passage, c’est un lieu de transit vers Lombok. En remontant, nous faisons connaissance de Daniel et Sylvie, un couple de retraités qui sont en Indonésie pour un mois. On ne peut pas dire qu’ils voyagent à la dure, mais leur présence est très agréable et nous passons de longues heures à discuter. Nous mangeons même ensemble à l’hôtel le soir, car Ketute nous a préparé à manger sur place. Vu le dénivelé entre la ville est l’hôtel, c’est agréable de ne pas avoir à descendre ce soir.

Nous avons décidé de rester basé à Pandangbai et de rayonner autour. Les tarifs de la Villa Manouria ne sont pas du tout dans notre budget, mais Marcel nous a rassuré au téléphone en nous expliquant qu’il s’adapterait à nos moyens. Au matin, nous louons un scooter et partons pour visiter les terres et parcourir la fameuse route de Sidemen, réputée très belle. Je découvre un monde fantastique. Cette région de Bali est loin de l’enfer touristique que j’imaginais. L’hindouisme bien particulier pratiqué ici est partout. Il y a des temples partout, des grands, des petits, des hôtels dans les maisons. Il y a des offrandes devant chaque porte, des bambous décorés plantés au bord des routes. Jamais je n’aurai imaginé que notre dernière destination serait aussi plaisante. Nous retrouvons le gout de la découverte, avalons les kilomètres parmi les rizières et les montagnes. Je retrouve le goût de prendre des photos, malgré mon appareil défectueux. Nous nous arrêtons au bord d’un champ et nous marchons le long d’un fin canal d’irrigation. La rigole nous emmène au cœur des rizières, dans un paysage magnifique. Il y a même des offrandes dans les champs, donc les fleurs se balancent au rythme du vent. Je suis envoutée. Nous marchons encore un moment avant de faire demi-tour. Nous repérons même une ruche, car les balinais font du miel ! Nous entamons ensuite le chemin du retour, avec quelques détours pour passer devant des temples. Nous nous arrêtons devant l’un d’entre eux et à peine le scooter garé, nous sommes appelés par toute une bande d’hommes. L’un d’entre eux, de notre âge, s’approche et nous aborde. Il nous demande si nous voulons rentrer dans le temple (ce qui habituellement est compliqué) et nous acceptons. Ils sont tous en train de préparer une grande cérémonie qui a lieu demain dans toutes l’île. Ils nous offrent des brochettes, quelques plats à déguster et même de l’arak ! Tous sont très curieux et jovial. Le jeune nous explique qu’il a travaillé un an au Etats-Unis et qu’il travaille maintenant dans une banque à Jakarta. Son bon anglais nous permet de bien communiquer. Il nous présente sa mère, nous autorise à prendre des photos du temple et nous invite à venir pour la cérémonie de demain. Nous ne savons pas encore si nous sommes disponibles, car Marcel a proposé de nous y emmener à Padangbai. Nous échangeons nos numéros de téléphone et reprenons la route du retour. En arrivant à la Villa Manouria, nous rencontrons enfin Marcel. Il est très spontané, amical et semble à fond en permanence ! En prévision de la cérémonie à laquelle il nous emmène demain, il nous fait un cours passionnant sur l’hindouisme balinais. Certains aspects manquent d’objectivité, on voit bien qu’il est tombé amoureux de cette île, qui à ses yeux a tout de mieux que les autres endroits en Asie du Sud-Est. Cependant, ces explications sur la religion sont plus qu’édifiante et nous ouvre les yeux sur un autre monde. Une fois parés pour le grand jour de demain, nous descendons avec tous les convives de Marcel pour manger au restaurant. Oups ! Lorsque nous regardons la carte, nous comprenons immédiatement que ce repas sera totalement hors budget. Cette écart sera récompensé car nous mangerons comme des rois et rentrerons nous coucher la pense bien pleine !

Aujourd’hui, nous n’allons à la cérémonie qu’à partir de treize heure. Nous avons donc le temps d’aller découvrir la petite plage de sable blanc qui se cache à quelques centaines de mètres de la Villa Manouria. Armés de notre crème solaire et de nos serviettes de plage, nous partons pour une matinée de farniente. Un coup dans l’eau, un coup dans le sable, nous passons deux heures délicieuses à nous prélasser au soleil. Nous remontons pour nous doucher, manger et nous mettre en tenue pour la cérémonie. Honnêtement, il est difficile de décrire ce que nous avons vu durant cet après-midi. Vêtus de l’habit traditionnel, nous avons suivi la procession, nous avons « prié » avec eux, nous avons assisté à des danses traditionnelles balinaise. Les photos seront plus parlantes que n’importe quelle description. Nous trouvons maintenant une ressemblance frappante avec la Myanmar. Pourtant, il se s’agit pas de la même religion mais beaucoup d’aspect esthétique concordent : le Sarung (robe traditionnelle portée par hommes et femmes), les ombrelles de cérémonies, le son des instruments durant les festivités… La sensation la plus agréable de la journée, c’est de s’être adapté aux locaux, plutôt que l’inverse. Il ne s’agit pas d’une cérémonie organisée pour les touristes. Il s’agit d’un jour religieux important, auquel nous avons pu assister en nous habillant comme eux et en respectant les coutumes. Beaucoup de danses balinaises auxquelles assistent les touristes sont des spectacles organisés. Ici, nous avons vu danser des fillettes et des jeunes filles d’une grâce incroyable, dans une authentique cérémonie. C’est un fait qui fait beaucoup rire les guides, les Français veulent des endroits authentiques et peu touristiques ! La cérémonie a pris fin autour de six heure et nous assistons au levé de la fameuse lune exceptionnelle du 14 novembre. Elle n’est pas aussi grosse qu’en France, mais elle est magnifique. La journée fut si intense, qu’après une douche et un bon Nasi Campur, nous nous sommes effondrés avant que les autres reviennent du restaurant.

Ce matin, Marcel part avec Daniel, Sylvie et Léa (arrivée hier d’Australie) pour se rendre aux îles Gili. Nous avons à peine le temps avant qu’ils filent, de discuter du prix de la chambre avec Marcel. Il nous la fait à vingt-cinq euros, ce qui est beaucoup pour nous mais ce qui est dérisoire vis-à-vis du confort que nous avons. C’est notre folie de fin de voyage que nous consommons avec plaisir ! Aujourd’hui nous avons l’intention de partir, à scooter, à la recherche des cadeaux pour toute la famille. J’arrête Marcel avant qu’il ne file comme une trombe pour qu’il nous indique quelques bons endroits et en quelques minutes, nous nous retrouvons tout seul dans cette grande villa. Nous partons, sac sur le dos, louer notre scooter. Le premier endroit que Marcel nous a indiqué est un grand marché local, celui de Klungkung. Nous ne pouvons pas dire ce que nous y cherchions, car ceux qui lisent le blog sont probablement ceux qui recevrons les cadeaux, mais nous avons dû nous y reprendre à plusieurs fois pour trouver notre bonheur. Le marché est immense et tout est écrit en Indonésien. Il y a beaucoup d’échoppes pour les offrandes religieuses et d’autres pour les vêtements ou la vaisselle. Nous tournons en rond, et finissons par trouver notre bonheur grâce à des images trouvées sur internet pour demander aux gens ! Cependant, un cadeau reste introuvable et une femme nous indique un autre marché, vingt kilomètres plus loin, où nous devrions trouver notre bonheur. Nous prenons d’abord la route pour l’atelier des fameuses ‘Dream ball’ balinaise. Il s’agit de boules d’argent contenant des petites billes qui viennent teinter sur des lamelles de cuivres. Chacune de ces boules est unique et produit un son spécifique. A Bali, les femmes enceintes les portent autour de leur coup afin que le son relaxant de la boule apaise l’enfant à naître. Les ‘dream balls’ peuvent avoir de différentes tailles, d’un centimètre de diamètre à quinze ou vingt centimètre. Un vieux monsieur nous présente l’atelier, puis nous amène dans le petit magasin qui ressemble plutôt à une caverne d’Ali baba où il nous faut farfouiller pour trouver des merveilles. Chaque pièce étant unique, il est intéressant de chercher dans les moindres recoins. Nous faisons notre sélection, le monsieur nous annonce un prix correct que nous négocions vu l’importance de notre achat et nous repartons absolument ravis ! En route maintenant pour le marché de Seni Sukawati pour terminer nos achats. Celui-ci est un marché touristique, avec les bon et les mauvais aspects que cela comprend. C’est quand même l’endroit idéal pour faire nos achats de souvenirs et avec nos notions de négociation, inutile de dire que nous tirons les prix vers des sommes très convenables ! Cette journée de shopping est littéralement épuisante, en plus nous nous prenons une grosse pluie sur le chemin du retour. Nous pouvons à présent profiter de notre dernière journée de demain !

Pour notre dernier jour complet, nous avons décidé d’aller à la plage pour faire le plein de chaleur et de soleil. Nous arrivons à neuf heure sur le sable et la mer est jonchée de déchets. En Indonésie, les marées peuvent faire d’une plage un véritable dépotoir en quelques heures. Grâce à l’initiative d’une amie, je me suis mise progressivement à ramasser les déchets autour de moi au cours de ce voyage. Dans l’eau flottent des dizaines de sacs plastiques. J’en choisi un gros et commence à ramasser tout ce qu’il y a autour de moi. J’ai toujours tendance à m’ennuyer à la plage, alors j’allie l’utile à l’agréable. François me suit et ramasse les déchets. Quand soudain, à ma grande surprise, deux autres personnes se joignent à nous pour collecter les ordures. En un quart d’heure, l’eau est à nouveau propre et je sors de l’eau avec un énorme sac plein. La propriétaire d’une petite gargote sur la plage s’empresse de venir me libérer les mains. Ces quelques minutes me redonne foi dans le genre humain. Il suffit d’agir. Les beaux discours n’ont pas d’impact. « Ce dont la nature a besoin, ce dont nous avons besoin, c’est d’actions ». Le reste de la journée s’écoulera tranquillement. Entre baignade et bronzage, entre jus de mangue fraiche et noix de coco, entre sieste et repas indonésien. La journée est magnifique, nous sommes vraiment gâtés. Ce qui est beaucoup moins drôle, c’est de finir la journée en préparant le retour. Il nous faire les sacs, bien emballer les cadeaux afin que rien ne casse et anticiper nos sacs en bagage à main. Pourtant, je me sens apaisée. La fin du séjour s’est bien déroulée, au-delà de nos espérances. Nous avions eu quelques grosses baisses de moral quinze jours plus tôt, mais nous avons su nous ressaisir et profiter de l’instant jusqu’à la fin du voyage.

Ce dernier jour, nous devons quitter la ville à treize heure pour nous rendre à l’aéroport. Nous avons donc choisi de retourner à la plage ce matin, pour penser à autre chose. Nous faisons une trempette, bronzons un peu et nous retournons boire un jus dans le Warung qui borde la plage. C’est là que je réalise que François n’est pas à son aise. Il ne veut plus retourner à l’eau, ne parler plus et semble complètement ailleurs. Il est simplement profondément triste de partir. Je ne peux me résoudre à nous morfondre pour cette dernière matinée. Au début, je suis trop instante et nous frôlons l’engueulade mais je ne peux pas non plus me résoudre à finir sur une dispute. Prenant mon courage à deux mains, je retourne le voir et l’entraine avec douceur dans l’eau. Quelques sourires plus tard, il est à nouveau apte à parler et nous décidons ensemble d’aller nous faire masser avant de partir. Malheureusement, le timing est trop court alors je m’improvise masseuse et consacre une bonne demie heure à son dos tout tendu. Nous mangeons ensuite un bout, prenons une bonne douche et finissons les sacs. Plus moyens de repousser l’instant désormais, le bus nous attend pour rejoindre l’aéroport. « Ne pleurons pas sur ce qui n’est plus, soyons heureux d’avoir eu la chance de vivre ça. » Je nous répète cette phrase pour ne pas sombrer dans la mélancolie. Pourtant nous sommes heureux de retrouver famille et amis, mais la transition par dix-huit heures de vol rend la chose un peu plus délicate. Notre petite larme versée dans l’aéroport de Denpasar, nous nous envolons pour retrouver la France.