Au matin, il pleut, ce qui nous empêche de partir à scooter pour le lac Maninjau. Je dois avouer que le rythme à tenir est épuisant et que je suis soulagée de pouvoir me reposer aujourd’hui. Nous n’avons plus qu’à attendre dix-sept heure que notre hôte vienne nous chercher ! En attendant, nous organisons la suite de notre périple avec Romain et Chloé qui prennent le même avion que nous pour rejoindre Jakarta. Nous sommes donc partis pour voyager encore quelques jours ensemble. Nous sommes ravis car le temps nous rend de plus en plus sociables et avides de rencontres !

Après avoir glandé toute la journée, Amy finit par arriver. Il est étonné de nous voir avec de gros sacs, mais nous avons décidé de directement tracer la route pour Padang plutôt que de repasser à Bukittinggi. Il est beaucoup plus froid que la veille, mais reste très sympathique. Après une heure de route pour faire trente kilomètres, nous arrivons de nouveau chez lui. Ses élèves sont là, nous buvons un thé et bavardons, le temps qu’Amy aille chercher un mini-van pour tous nous emmener. Il nous explique que nous allons d’abord manger chez sa sœur, puis que nous rejoindrons le village de danses. Nous en concluons qu’il est très stressé par l’organisation car il est très directif et de moins en moins agréable. Arrivés chez sa sœur, nous mangeons un repas absolument délicieux. Très simple mais efficace : œuf, patates, tofu dans une sauce curry … pimentée ! Nous n’avons rien pour remercier sa sœur et nous regrettons vraiment de ne pas avoir amené des petits cadeaux à utiliser tout au long de la soirée. Il y a deux jeunes filles qui nous ont rejoint pour parler anglais avec nous, mais elles sont beaucoup trop timides pour aligner deux mots. Amy nous presse et nous montons dans le mini-van. Nous sommes avec lui, un chauffeur et quatre élèves entre seize et dix-huit ans. Nous nous enfonçons dans la nuit sur des routes de plus en plus petites et par moment nous avons une désagréable sensation de malaise. Nous étions censés avoir peu de route et voilà que les minutes défilent et que des petites sursauts d’angoisses gagnent nos esprits. Nous finissons par arriver sur les lieux du spectacle…

Tous les regards sont sur nous. Nous saluons le chef du village, le « directeur artistique » et quelques femmes importantes puis nous sommes installés pour des rois, sur des chaises, en face d’une scène qui a été monté juste pour nous. Il y a encore une forme de malaise. Amy nous a vanté un spectacle gratuit mais en prenant conscience de l’ampleur des préparatifs, nous imaginons rapidement qu’il est impossible de ne rien donner. Nous avons du mal à communiquer, ce qui nous donne parfois l’impression d’être comme des Colomb, installés sur nos chaises avec des femmes qui nous servent des gâteaux d’apéritifs et du thé. D’abord, la musique commence, hurlés dans des vieilles enceintes dont le boom boom nous écorche les oreilles. Puis le profs d’anglais se lève et, à notre grande surprise, se met à chanter sur la scène ! Il chante bien mais se prend un peu pour une rock star, ce qui a un côté carrément ridicule. Ce n’est qu’une introduction et le vrai spectacle se prépare. La musique reprend et une dizaine d’enfants entrent sur scène avec une assiette dans chaque main. Ils dansent dans un rythme parfait en faisant des mouvements avec les assiettes, sans les faire tomber. La danse dure près de dix minutes et nous sommes scotchés par la coordination de ces enfants. C’est magnifique. Au milieu de la danse, deux fillettes font un duo en réalisant une chorégraphie de combat parfaite. Bref, nous sommes sidérés et ravis. La suite vient, avec des chants d’hommes et une danse où ils font mine de se couper avec des couteaux … sans se couper. La coutume voudrait que ce soit les esprits qui les protègent des blessures. Par moment la danse est renversante, par d’autres, nous pouvons voir qu’il ne s’agit que d’une simulation. Pour finir, le professeur d’anglais reprend le micro et chante quelques chansons et le spectacle est terminé. Il est maintenant minuit et nous faisons une photo de groupe avec tous les membres du spectacle.

François essaie de prendre Amy à part, afin de lui demander comment donner l’argent en respectant la culture d’ici. Mais le professeur d’anglais semble ne pas comprendre le principe de discrétion. Il appelle le responsable du spectacle en lui disant qu’on veut donner de l’argent. Nous n’avons pas vraiment décidé de la somme à donner et tous les regards se portent sur nous, nous mettant dans une situation détestable. Nous sortons d’abord deux cent mille Roupies, en bafouillant un merci, tout en demandant à Amy si la somme est convenable. Il nous répond naturellement que cinq cent mille ce serait quand même mieux. Je me liquéfie, nous sommes affreusement mal, nous rajoutons tous un billet mais nous ne pouvons pas fournir la somme demandée, c’est hors budget. Pour un spectacle gratuit, je suis hors de moi. Il ne s’agit pas de la somme au final mais du déroulement de la fin de soirée. Ma colère s’estompe doucement dans le mini-van pour le retour, jusqu’à ce qu’Amy nous demande de donner quelque chose pour le transport. Je me crispe encore. Décidément, cette invitation tourne au guet-apens touristique. Nous donnons encore, et arrivons chez Amy. Nous commençons à penser que la nuit chez lui n’est plus une invitation et sommes carrément sur la défensive. Il nous amène dans la chambre où nous allons dormir, qui est très sympa et il propose de nous appeler un ami à lui pour nous emmener à Padang demain. Nous sommes perdus dans un petit village donc c’est vrai que ce serait pratique. Nous sommes obligés de lui demander combien ça va nous couter et il nous annonce un prix très correct. Nous nous couchons donc pour une courte nuit de sommeil.

Au réveil, nous nous préparons rapidement et descendons pour attendre le taxi. Nous avions bien prévenu Amy que nous avions de quoi petit déjeuner, mais il nous attend en bas avec du thé et des plats cuisinés. Nous sommes encore mal à l’aise, nous en partageons un et la voiture pour Padang arrive. Nous nous retrouvons une fois de plus au pied du mur. Le prix du taxi est plus élevé que prévu mais nous sommes dans la campagne et refuser serait vraiment malvenu vis-à-vis de notre hôte qui a tout planifié. Nous remercions au mieux Amy, montons dans la voiture et roulons trois heures. Amy a insisté pour choisir l’hôtel où nous déposera le taxi et nous n’avons pas vraiment su comment éviter cette nouvelle initiative. Malheureusement, l’hôtel ne convient pas du tout. Il est vraiment trop cher par rapport au confort proposé et le quartier est assez miteux. Le chauffeur ne comprend pas un mot d’anglais, il refuse de nous emmener à un autre hôtel, refuse de nous rendre la monnaie, appelle Amy pour se plaindre et finit par simplement nous foutre dehors. Décidément, la volonté de bien faire de Amy nous aura suivi longtemps et nous sommes soulagés de n’avoir plus rien à faire avec quiconque en lien avec ce professeur. Heureusement, au hasard du chemin, nous trouvons une superbe Home Stay dans laquelle se reposer en attendant le vol de demain pour Jakarta…