Nous arrivons en bus à Phnom Penh sous un déluge de pluie. Ce sont les premiers jours de la mousson. Dans le bus, nous avons sympathisé avec un couple de français et nous décidons de rejoindre notre RS Guest House ensemble. Après une bataille pour retirer un peu d'argent, en luttant contre les assauts des conductions de tuktuk, nous profitons d'une accamlie pour entamer la route à pieds. La ville est détrempée et de nombreuses rues sont devenues des ruisseaux. Nous ne savons plus s'il vaut mieux être en tongues ou bien chaussés. Des centaines de cadavres de cafards, noyés dans les recoins de la ville, viennent s’échouer partout sur les trottoirs. La ville prend un air d'apocalypse sous ce ciel noir menaçant. La pluie reprend de plus belle, nous courons sous la pluie, n'évitant plus les flaques et nous finissons pas négocier un tuktuk. C’est une immersion immédiate dans les conditions que nous risquons de connaître pour les trois prochains mois ! Nous finissons par trouver l’hôtel, non sans peine, et par nous mettre à l’abris. Une fois tous séchés, nous partons tous les quatre trouver de quoi manger. Les rues baignent dans l’eau et il pleuviote encore. Sous une grande bâche, nous trouvons un petit boui-boui qui nous sert des nouilles frites pour 80cts d’euros chacun. Et pour 50 cts d’euros, nous allons chercher des bières à la superette du coin ! Nous passons une excellente soirée à bavarder puis allons retrouver nos chambres pour une bonne nuit de sommeil. 


La température commence à baisser, de quelques degrés seulement, pour laisser place à un 90% d’humidité permanant et à des pluies fréquentes. La mousson se prépare. Au réveil, la ville a absorbé une grande partie de l’eau de la veille. Nous sommes dans un quartier calme à l'écart de la zone touristique. Rapidement, nous associons le Cambodge à une Thaïlande qui sentirait l’Inde. Les habitudes culinaires y sont incontestablement Est-Asiatique mais les déchets jonchent les rues, les égouts débordent et les rats font les poubelles. Tout en ayant conscience que l’hygiène du pays est nettement moins bonne que ce que nous avons connu en Thaïlande ou au Vietnam, nous continuons à manger de la « street food ». Nous sélectionnons soigneusement les échoppes pour être sûr d’avoir une soupe bouillante et aucun aliment froid potentiellement contaminé. C’est la seule chose que nous pouvons faire car il est trop difficile maintenant d’accepter de manger autre chose que la vraie bouffe locale. Pour notre premier jour en ville, nous découvrons Phnom Penh par ses marchés, très nombreux, en nous dirigeant vers le Wat Phnom, une grande pagode au cœur d’un immense rond-point. Nous retrouvons au Cambodge une ambiance plus crue, qui stimule nos sens d’aventuriers. Les odeurs, bonnes ou mauvaises, entrent à nouveau dans la composition des visites, surtout par ce temps chaud et humide. Je commence à être plus à l’aise pour prendre les gens en photos. Je tâte le terrain avec un grand sourire et s’il m’est rendu, je demande l’autorisation de photographier. Ce sont des brefs moments de bonne humeur partagée, même si la barrière de la langue empèche souvent d'aller plus loin. Il n’est pas toujours facile de trouver la recette miracle pour se sentir moins étranger, mais nous ne perdons pas l’espoir d’être un peu plus dans la réalité du pays. Notre premier jour de visite est riche de découverte. Nous retrouvons nos nouveaux amis français, Gaël et Céline, pour manger ensemble le soir. Encore une longue soirée de discutions, d’échange et de bonne humeur. Ça fait du bien de retisser quelques liens ! 


Nous avons décidé, pour le deuxième jour dans Phnom Penh, de prendre un Tuktuk pour nous emmener tôt le matin au Russian Market alias Tuol Tom Poung Market. C’est un des marchés les plus connus de la ville. Nous y arrivons vers sept heure, il n’y a encore aucun touriste. Nous marchons les yeux grands ouverts dans ce dédale de poisson, de fruits, de souvenirs et de petits restaurants. Nous assistons en silence à la vraie vie, sans touristes et sans pirouette de la part des Cambodgiens qui ne nous prennent pas pour des porte-monnaie vivants. De très loin, ce sont les marchés que nous préférons en voyage. Ils nous procurent une sensation grisante. Nous sommes à la fois ébahis, effarés et amusés par tout ce que nous y voyons et qui semble si loin de notre petite France aseptisée ! Perdus dans la foule, nous marchons au hasard parmi les commerçants : nous grimaçons devant les étals de viandes où les poulets vivent des derniers instants assez ignobles ; nous humons les odeurs de beignets, de nouilles sautées et de grillades ; nous contenons nos ardeurs devant les échoppes de smoothie … Pour rien au monde nous ne voudrions être ailleurs, il n’y a rien de plus vivant qu’un marché. Je finis même par me dire que je retournerai plus souvent dans les marchés français en rentrant. En y pensant, ils doivent forcément transpirer l'image de la France.

Six kilomètres nous séparent maintenant de l’hôtel, avec pleins de petits monuments à voir sur le chemin. Sur la route, nous nous perdons encore dans des marchés qui ne figurent sur aucune carte et où personne ne s’aventure. Après deux jours de visite, il est impossible de nier la présence d’enfants errants partout dans les rues. Ils mandient, se font chasser par les commerçants, jouent dans les tas d'ordures... Après cette longue escapade, l’humidité est à son comble et nous en venons à espérer qu’il pleuve enfin une bonne fois pour toute. Nous mangeons, dans le Phsar Kandal Market, un délicieux bol de soupe où mijotent des légumes et des tranches de porc. François qui a encore un creux, s’achète un Banh Bao. Et là, c’est le drame. Au bout de deux bouchés, il croque dans un œuf dont se dégage une odeur nauséabonde. Il est à la limite de vomir. Ni une ni deux, je lui tends son sachet plastique pour qu’il puisse recracher sa bouchée d’œuf … pourri ! Nous ne pourrons jamais savoir s’il s’agissait d’une recette typique où d’un aliment avarié mais nous avons frôlé la catastrophe ! Il se rince abondamment la bouche en pleine rue sous l’œil amusé de certains cambodgiens et nous achetons une tranche de cake à la banane pour passer ce goût affreux. Heureusement, le repas du soir sera plus fructueux. Nous nous rendons au marché de nuit et découvrons un concept totalement inconnu : des dizaines de petits restaurateurs autour d’une grande place où tout le monde mange par terre sur des nattes. Un jeune garçon à l’anglais impeccable nous sert des nouilles frites et des nems. Phnom Penh est un très beau début de voyage au Cambodge…