Nous avons parcouru quatre cent kilomètre entassé dans une voiture, nous avons essayé en vain de réparer mon appareil photo et François nous a refait un petit épisode tourista. Après ça, nous avons rencontré un couple de belge que nous avions déjà croisé au port de Manado. Comme nous, ils se rendent dans les îles Togians par le bateau du vendredi soir. Il faut dire qu’on y retrouve quelques personnes, car il n’y a que deux bateaux par semaine. Nous prenons la classe économie, et nous voilà couchés dans un dortoir immense, complètement ouvert sur l’extérieur. Quelques heures à l’arrêt à discuter avec nos compagnons de route et à transpirer comme des bœufs, puis le bateau démarre enfin. Nous avons tous que ces îles ne peuvent pas nous décevoir. Nous avons tous lu des articles, des blogs, plus fou les uns que les autres, qui nous ont donné l’envie irrépressible de faire quatorze heures de traversée pour arriver à destination. Nous avons le droit à notre lot de photo avec les locaux, car nous ne sommes pas si nombreux à nous lancer dans cette aventure. Nous avons même le droit à des petits gâteaux ! L’Indonésie n’a vraiment plus à prouver à quel point l’accueil y est chaleureux. Le trajet n’est pas de tout repos mais grâce aux ouvertures, nous avons maintenant moins chaud et nous arrivons tant bien que mal à dormir.

Lorsque j’ouvre un œil à six heures, tout le monde est déjà réveillé. Les enfants chouinent, les femmes caquètent et entament le petit déjeuner. Nous voyons les îles qui apparaissent, une à une, dans l’immensité de cette mer d’huile. Lorsque nous arrivons à Wakai, la « Capitale » de cet archipel, nous trouvons immédiatement un bateau attitré à l’hôtel qui nous embarque, nous, nos amis allemands (Melin et Jan) et une flopée de français. Dans cette coque de noix aux moteurs assourdissant, nous naviguerons plus de deux heures. Certains essaient de somnoler, d’autres contemple le magnifique paysage mais il reste difficile de profiter du trajet avec un tel vacarme. Alors qu’une migraine commence sérieusement à me faire souffrir, nous changeons de bord et nous approchons d’une petite crique.
Aucun doute, même dans nos rêves le plus fous, nous ne pouvons imaginer une telle perfection. L’eau turquoise est si limpide que nous pouvons voir chaque grain de sable. Les vagues viennent lécher une petite plage de sable blanc, sur laquelle sont alignés quelques bungalows. Pas un détail ne manque, du petit bateau typique amarré devant l’entrée aux cocotiers qui bordent la plage. Nous avons pourtant vu des photos de cet endroit, mais aucun cliché n’arrive à la hauteur de la réalité. Nous rejoignons la réception en marchant dans une eau tiède et nous entamons la répartition des chambres.
Il n’y a pas tout à fait assez de bungalow pour nous tous, alors François et moi atterrissons dans une chambre d’appoint dont le prix est vraiment intéressant. A vrai dire, nous n’avons pas vraiment l’intention de passer du temps dans la chambre étant donné le cadre de l’hôtel, et qu’il n’y a ni électricité, ni internet, ni salle de bain privée pour nous … A Sera Beach Resort il n’y a rien à faire, si ce n’est prendre conscience de l’immense plaisir d’être en vie sur une terre qui a encore tant de merveilles à nous offrir. Nous nageons dans une eau cristalline, nous dégustons une noix de coco cueillie sous notre nez et nous échangeons avec pleins de voyageurs avides de rencontres et de conseils. Certes, nous retrouvons un public français très différent de nos rencontres habituelles. Nous retrouvons cette volonté farouche de ne pas sortir un seul mot d’anglais quitte à nous répondre en français lorsque nous essayons d’avoir une conversation avec nos amis allemands. Nous avons aussi le droit au cliché du buveur de bières qui descend dix bouteilles d’un demi litre par jour et qui a déjà épuisé les réserve de tous les villages sur l'île … Mais abstraction du côté français des français, nous somme en très bonne compagnie. Nous nous endormons donc au paradis, sans aucune autre pensée que la gratitude d’avoir découvert un si bel endroit.

Pour notre premier jour complet, nous partons autour de neuf heure, avec Melin, Jan et Noëlla pour visiter le village Bajau, de l’autre côté de l’île. C’est une ethnie de gitans des mers, voyageant du Sulawesi au Philippines et vivant sur leurs bateaux. Le gouvernement indonésien les a contraints à se sédentariser. Les nomades mers ont donc construit des maisons sur pilotis, agglutinées autour d’un ilot rocailleux et relié à la terre par un long pont, construit par le gouvernement afin que les enfants aillent à l’école. Nous approchons du village et déjà nous sommes séduits par les lieux dont la beauté dépasse toutes les photos que nous avons déjà vues, et toutes les photos que nous allons vous montrer. Les gens y sont d’une incroyable gentillesse. Nous serons la main en arrivant, à un vieux monsieur qui semble être le chef du village. Son visage est tanné par la mer et ses mains sont rugueuses mais son sourire vaut tout l’or du monde. Les maisons sur pilotis sont assez récentes, et certaines sont vraiment très jolies, construites avec du beaux bois et décorées de plantes Nous traversons le village et marchons sur ce fameux pont jusqu’à l’île principale. Il surplombe les coraux et l’eau est si claire que nous n’avons même pas besoin de masque pour admirer les poissons. Le village côtier où nous arrivons n’est pas Bajau, mais nous sommes accueillis avec autant d’enthousiasme. Les enfants se joignent à nous, nous demandent nos prénoms, nous tiennent la main. J’ai même le droit au questionnaire complet sur ma couleur préférée, mon animal préféré … etc. Nous restons un moment à les regarder jouer, devant un paysage de carte postale. La chaleur commence à avoir raison de nous, nous sommes en train de rôtir. Je suis bien contente d’avoir emporté la crème solaire et mis un chapeau car c’est à la limite du soutenable. Nous trainons encore un peu sur le pont, escaladons la colline de pierre au milieu du village Bajau et prenons quelques photos avant de reprendre le bateau pour notre plage de rêve !
Après un délicieux repas, toujours à base de riz et de poissons frais, nous discutons quelques heures avec deux français que nous venons de rencontrer. Guillaume et Caroline sont allés en Australie, ils ont bossé un an comme des robots et sont revenus avec assez d’argent pour acheter une maison et voyager encore. Nous avons des étoiles pleins les yeux à écouter leurs histoires. Nous finissons tous les quatre à barboter pendant des heures dans la plus belle eau du monde. En sortant, Guillaume grimpe à l’échelle avec sa machette pour décrocher quelques noix de coco. Il faudra une bonne demie heure pour deux noix de coco alors qu’en dix minutes, un gars de l’hôtel nous en prépare quatre autres ! Nous profitons de cette fin de journée sur la plage, qui me vaudra des centaines de piqures de mouches des sables …

Après une longue hésitation, nous partons le deuxième matin pour un tour de snorkeling sur le point le plus connu de la zone. J’avais tellement peur que les fonds ne soient pas à la hauteur de Bunaken que j’étais prête à ne pas venir, mais nous nous sommes motivés et nous voilà le masque dans l’eau. C’est vrai que ça ne vaut pas notre précédente île, mais il faut avouer que ce n’est pas mal du tout. Certains poissons sont bien moins peureux, certains coraux sont magnifiques mais par moment, nous pouvons voir les dégâts de l’homme sur la mer par des champs entiers de coraux morts. Il faut dire qu'il n'y a même pas dix ans que les pêcheurs se sont vus interdire la pêche à la dynamite : méthode très subtile ! Nous passons un très bon moment et rentrons affamés pour le repas de midi.
Encore une fois, l’après-midi est à la baignade. Nous barbotons, discutons avec Jan et Melin et finissons à boire le thé sur la terrasse en attendant le repas du soir. Nous aurions pu rester plusieurs jours de plus, mais il nous faut choisir entre la détente sur une plage de rêve et la découverte des contrés montagneuses du Sud et de ses ethnies. Le choix est fait, nous prenons le large demain matin avec le bateau public de six heure du matin.

Alors que nous croyons que l’aventure des îles Togians se termine, le manager de l’hôtel nous dépose dans le port public de Malenge. Le soleil se lève, éclairant d’une magnifique lumière le petit village. Nous attendons avec les habitants. Le bateau arrive à l’heure et il est déjà en parti plein. Dedans, il n’y a ni siège, ni banc, simplement des espaces plats sur lesquels s’allonger. Nous dégotons un matelas pour deux et nous roulons en boule pour dormir. Nous nous réveillons lorsque le bateau accoste pour une halte dans un village. C’est aussi un village Bajau, entièrement sur pilotis, autour de quelques îlots de pierre. Nous apprendrons plus tard qu’il s’agit de Kabalutan, le dernier village Bajau à tremper les nouveaux nés dans l’eau de mer comme rituel de venue au monde ! Je descends pour prendre des photos, acheter de quoi manger un bout puis je remonte lorsque je crois que le bateau redémarre. La dame à côté de nous insiste pour que nous goutions les bananes frites qu’elle a acheté. Nous en prenons une chacun et aussitôt François sort en acheter un sachet : c’est délicieux ! Nous somnolons le reste du trajet en nous éloignant de ce doux rêve que furent les îles Togians, dans la moiteur de l’habitacle, bercés par le vrombissement du moteur…