Après avoir quitté le pays Toraja, nous avons séjourné quelques jours à Makassar, grande ville portuaire du Sud du Sulawesi, pour y attendre notre bateau pour Flores. A notre grande déception, le bateau pour lequel nous avions hâté notre parcours est annulé. Au lieu d’un bref passage de vingt-quatre heures dans la ville, nous avons maintenant trois jours et deux nuits à tuer. De plus, le bateau sur lequel nous nous rabattons ne se rend pas à Maumere, ce qui nous oblige à annuler notre visite du Volcan Kelimutu, réputé pour ses lacs volcaniques de différentes couleurs. Heureusement, à Makassar, nous avons mis la main sur un hôtel incroyable. Dans des studios équipés d’une kitchenette, de la climatisation et d’une bonne connexion internet, nous nous remettons de nos émotions de ces derniers bus de nuit et des découvertes à n’en plus finir que nous a offert le Sulawesi. Ces deux jours à Makassar sont donc aussi le deuil de la plus belle destination de notre voyage, île de nature et de culture, alliant l’authenticité à une biodiversité fabuleuse …

Nous quittons Makassar le vingt-cinq octobre à vingt-trois heure, pour une traversée de dix-neuf heures ! L’expérience est inoubliable. Nous sommes quatre touristes sur au moins deux cent passagers. Même les contrôleurs à l’entrée du bateau nous demandent un selfie ! L’aventure est bien plus confortable sur nous l’aurions cru. Certes, nous sommes sur un tatami à même le sol, mais celui-ci est très confortable ! Pas de musique tonitruante, des prises électriques pour recharger téléphones et ordinateur (une aubaine !) et même des repas compris dans le prix du billet … que nous avons déjà payé une misère. Seul les toilettes commencent sérieusement à devenir glauque dans la deuxième partie du trajet, en particulier lorsque que l’un d’entre eux se bouche et déborde dans tous les sanitaires. Cependant, en un clin d’œil nous arrivons au port de Marapokot où les choses se corsent. Tous les chauffeurs se ruent sur nous, car nous sommes les seuls blancs à descendre dans cette arrêt perdu au milieu de nulle part. Nous sommes complètement harcelés, mais sans moyen de communiquer puisque personne ne parle anglais. C’est là que la carte Sim avec internet nous est bien utile, car nous sommes obligés de traduire pour arriver à un accord. Je finis par écrire « Nous ne sommes pas riches et nous n’allons pas loin » pour faire comprendre aux chauffeurs que le prix demandé est tout simplement exorbitant. C’est d’ailleurs le jeu, nous n’avons aucun moyen de refuser la course, il nous faut trouver un endroit où dormir. Nous arrivons, dans une nuit bien noire, à l’hôtel que nous avions repéré. Lorsque le propriétaire nous annonce le prix de la chambre, nous nous liquéfions mais en quelques minutes seulement, le voilà qui diminue le prix par deux : le tour est joué ! Nous réservons immédiatement un bateau pour demain, afin d’aller visiter le fameux parc naturel maritime des 17 îles. Nous mangeons dans la chambre les sachets de nouilles instantanées qu’il nous reste du trajet en bateau et nous profitons d’un grand lit confortable pour nous remettre de nos émotions. Levée à l’aube, je pars chercher une petite brique de lait pour accompagner notre muesli au petit déjeuner. Tous les commerces sont fermés et nous devons nous contenter d’un autre sachet de nouilles instantanées. Le soleil nous révèle le paysage que nous n’avions pas vu en arrivant de nuit. J’avais déjà remarqué la veille quelques essences d’arbres très différentes de ce que nous avons vu jusqu’à présent. Il s’agit d’une île semi-aride, et même si les pluies de ces derniers jours ont considérablement verdi le paysage, je reconnais sans problème un type de végétation proche de la garrigue ! Des lantanas, des rince-bouteilles (plante paysagère en France), des pourpiers, des albizzias … autant d’espèces que nous connaissons dans nos jardins et qui sont bien adaptées à la sécheresse. Nous adorons ce changement soudain de paysage : les collines sont peu boisées et l’herbe est légèrement jaunissante.
Nous récupérons ensuite notre pique-nique à l’accueil et partons pour le port où nous attend notre bateau et son pêcheur. Nous avons opté pour la visite sans guide, car les pensions le facturent environ trente euros de plus pour une visite déjà hors de prix. Contrairement à ce que nous avait dit le gérant de Café Del Mar, notre capitaine parle un petit peu anglais, ce qui rend la journée vraiment plus sympathique. Nous prenons la mer pour l’île de Ontoloe, où réside une immense colonie de chauves-souris géantes, les roussettes. Elles sont plus ou moins endormies, et nous ne sommes pas très fières que le moteur les dérange mais quel spectacle ! Elles sont accrochées dans la mangrove, nous sommes donc tous près avec le bateau. Elles s’envolent pour changer d’arbre, se chamaillent, et une fois suspendues, elles se servent de leurs ailes comme ventilateur contre la chaleur. Nous sommes sur le bateau depuis à peine une heure et nous sommes déjà ravis.
Notre deuxième escale se fait sur l’île de Temba. D’ici, nous mettons enfin le nez sous l’eau et ce qui devait arriver arriva. Nous avons placé la barre si haute avec la visite du parc maritime de Bunaken que les fonds marins même les plus appréciés nous semblent fades et peu peuplés. Rien ne peut arriver à la cheville de ces tombants vertigineux recouvert d’un corail impeccable, peuplés de tortues, de murènes, de rascasses et d’un quantité indénombrables de poissons de toutes les couleurs. Ne crachons pas pour autant dans la soupe, le snorkeling est agréable et les conditions sont très bonnes : grand soleil, pas de courant, îles paradisiaques reculées et bateau et capitaine pour nous seuls ! Par endroit, les coraux qui repoussent ont des couleurs magnifiques et des formes très variées. Nous apercevons même un énorme poisson baliste et je trouve un magnifique coquillage dans le fond de l’eau.

Nous remontons pour nous rendre près d’une seconde île. Pulau Tiga est l’île du repas de midi et les quelques arbres qui bordent la plage sont bien adaptés à un repas à l’ombre. Mais avant de penser à manger, nous repartons du bord de la plage pour revoir des poissons. Encore une belle balade maritime où nous découvrons tout de même quelques nouvelles espèces. Sur la fin, nous sentons un peu plus de courant, c’est généralement dans ce genre d’endroit qu’il y a plus de poissons. Nous finissons par rentrer pour manger, avec en prime un petit problème technique : mon masque prend l’eau, le transport dans le sac de voyage a décollé une petite zone de silicone et ça ne pardonne pas… Je ferai avec pour aujourd’hui !
Notre pause repas finie, nous trainons un peu et comme nous avons la bougeotte, demandons à notre capitaine de changer d’endroit. Nous voilà repartis, il nous dépose dans l’eau près de coraux et nous explique de nager en suivant le tombant, jusqu’à la plage de Pulau Ruteng où il va s’amarrer. Ce spot sera le plus joli de la journée de par ses jardins de coraux et la quantité de poissons, avec en prime quelques découvertes amusantes comme une sèche camouflage totalement improbable ou encore une petite écrevisse qui a littéralement agressé la caméra ! Lorsque nous sortons de l’eau, il est encore tôt et nous avons tous le temps de barboter en profitant de la lumière qui décline doucement. Maintenant que nous sommes passés en dessous de l’équateur, le soleil se lève très tôt et il fait nuit dès dix-sept heure trente. Nous ôtons donc nos tenues intégrales de snorkeling et profitons de la chance d’être seuls en mer, sur cette plage de sable blanc, devant un paysage magnifique. Une fois la lumière très basse, nous entamons le retour juste après avoir vu atterrir un magnifique héron Goliath.
Nous sommes de retour au port et voilà que se fait sentir l’imprudence de notre après-midi. Malgré la crème solaire 50 et la tenue de snorkeling, nos deux heures sur la plage ont été fatale. Ici, le moindre écart de rigueur sur la protection solaire est puni. Il ne nous reste plus qu’à nous enduire d’Aloé Verra, une énième fois. Une bonne douche, un délicieux Gado-Gado dans le Warung du coin et nous nous mettons au lit. Il n’est pas de tout repos de traverser l’Asie du Sud Est, encore une fois, le réveil sonnera à cinq heure du matin.